En se rendant, contrairement à tous ses prédécesseurs, à la conférence des évêques de France, Emmanuel Macron a choisi de bafouer la laïcité de façon provocatrice et assumée. On ne peut d’ailleurs écarter une intention de diversion dans le combat social actuel.
Contrairement à ce que le Président se propose dans son discours, dans une République laïque, il ne peut y avoir aucun « lien » – surtout pas à « réparer » – entre les religions et l’État, sauf à méconnaître l’article 2 de la loi de 1905 (« La République ne reconnaît (…) aucun culte »). L’Église catholique est, depuis 1905, un organisme de droit privé, et non plus un « établissement public du culte », comme sous le Concordat de Bonaparte. Elle doit le rester.
La République laïque établit l’égalité entre les citoyens en « s’aveuglant volontairement » sur leurs convictions philosophiques ou spirituelles – chose que rejette explicitement le discours présidentiel. Le Président entretient volontairement la confusion entre la hiérarchie épiscopale, la religion catholique, et les Français de cette confession. Ainsi, en n’évoquant que « les résistants [catholiques] de 40 », il dédouane l’épiscopat de son soutien au régime de Pétain. Réécrivant l’histoire, il oublie sciemment que, de 1791 à la Libération, l’Église catholique a agi en ennemie de la République.
Inversement, il assigne à leur religion tous les citoyens de culture ou de confession catholique : il va même jusqu’à leur demander de s’engager en politique en tant que catholiques, ressuscitant la démocratie chrétienne. A la veille des élections européennes, la manœuvre politicienne est cousue de câbles. C’est au mieux du communautarisme, au pire une atteinte à la liberté de religion : depuis quand la foi personnelle doit-elle servir l’État ?
Les inquiétudes à propos du débat sur la révision des lois de bioéthique sont largement confirmées : l’Église et les autres cultes « reconnus » par le Président (comme sous le Concordat) auront en tant que tels leur mot à dire pour « enrichir » (sic) l’avis du Comité consultatif national d’éthique – où sont pourtant déjà représentées les diverses « familles » spirituelles et philosophiques. Autrement dit, les religions pèseront deux fois plus, et certainement pas en faveur des progrès sociaux et sociétaux.
Le passage sur la politique envers les migrants – justement critiquée par l’Église – donne lieu à des circonlocutions jésuites sur la conciliation entre les principes et la dure réalité par « l’humanisme réaliste » – formule « en même temps » digne de la défunte social-démocratie.
Enfin le Président se perd dans des considérations toutes personnelles sur « le salut » (sic), la « quête de sens », l’indispensable « dimension spirituelle », la « soif d’absolu » et autre « manque de repères », qui confèrent à l’Église catholique le monopole de toute spiritualité, voire de toute morale. Ainsi, elle « sait guider les plus fervents comme les non-baptisés », et constitue « le cœur même du sens, même pour ceux qui ne croient pas ». La liberté de conscience est-elle encore « assurée » par la République (art. 1er de la loi de 1905) ?
Dans ce monde réduit à l’interconvictionnel (deux petites mentions des francs-maçons et des athées étant là pour faire fausses fenêtres), on ne s’étonnera pas d’entendre sonner le glas du principe de séparation. Pour Emmanuel Macron, l’Église et l’État doivent « cheminer ensemble » pour « faire de grandes choses ensemble ». Et en plus c’est ce qu’il « assigne » (sic) à l’Église. De libérale – au sens politique de la loi de 1905 –, la République devient bonapartiste. De laïque, elle devient cléricale.
L’UFAL dénonce ce retour de 113 ans en arrière. Qui s’en prend au principe de séparation ruine la laïcité telle que la République l’a construite, et menace directement la liberté de conscience « en même temps » que celle de culte.