On connaît la ligne politique constante de cet organisme : nier les problèmes pour justifier l’inaction du gouvernement et empêcher l’initiative du législateur. Ainsi, trois de ses membres (Jean Glavany, Françoise Laborde, et Patrick Kessel) ont refusé de participer au vote de son avis du 15 décembre 2015 « sur la laïcité et la gestion du fait religieux dans les établissements de l’enseignement supérieur public » pour des raisons qu’ils développent dans un communiqué, et que nous partageons.
« Circulez, y a rien à voir ! »
On note que l’ODL a choisi de s’appuyer sur les dires du président de la Conférence des présidents d’Universités, le trop célèbre Jean-Loup Salzmann. Rappelons que ce président de l’Université Paris XIII s’est distingué par son inaction face aux menaces et agressions, à fort relent communautariste, subies par Samuel Mayol, directeur de l’IUT, qu’il a même carrément suspendu ! C’est sans doute ce que l’avis du 15 décembre appelle « une situation globale respectueuse de la laïcité » ?
Qu’on en juge par ce témoignage d’un universitaire, reçu par l’UFAL la semaine dernière :
« Nous sommes un certain nombre d’enseignants du supérieur qui vivons très mal de devoir enseigner devant des étudiantes voilées, de surcroît sans rien dire. (…) Alors que les religieux continuent inlassablement, et jour après jour, leur conquête de l’espace public, nous validons ces attitudes en ne disant rien (ce qui après le 13 novembre est encore plus insupportable). »
Et que demande ce professeur, parfaitement soucieux du respect de la loi ? « Un texte cadre (…) ou toute autre information destinée à clairement montrer la nécessité d’une « sanctuarisation » de [la sphère publique] (= absence de tout signe d’appartenance) sans toutefois se mettre hors la loi ou se faire mettre à pied comme cela a déjà été le cas à plusieurs reprises. »
Et d’ajouter cette précision : « Parmi mes amis, j’ai en particulier des collègues d’arabe (originaires du Moyen-Orient) qui seraient particulièrement preneurs/ses de ce type d’intervention dans le contexte de cours qui, pour eux/elles, s’apparentent à des madrasas que cautionne le service public. (…) »
Mais pour l’ODL tout va bien, les étudiants peuvent continuer à porter des signes religieux en cours ! L’avis préfère s’en prendre aux médias, qui ne feraient pas assez preuve de « vigilance »… Il est vrai que le président de l’ODL avait déjà fixé cette ligne dès août 2013.
Qu’on se rappelle ce que disait la Commission Stasi en 2002 : « Il n’est pas admissible que des enseignants soient récusés en fonction de leur sexe ou de leur religion supposée, ou que des enseignements soient entravés par principe. La commission estime souhaitable que les établissements d’enseignement supérieur prennent un règlement intérieur en ce sens. » Peut-on raisonnablement soutenir que, 13 ans après, la situation se soit améliorée, alors même que le « règlement intérieur » reste toujours à prendre selon l’ODL ? L’aveuglement officiel fait le jeu des extrémistes religieux.
Une grave sous-estimation de l’affichage religieux, instrument de pression communautariste
L’ODL refuse de voir que l’affichage systématique des signes religieux, dont le voile pour les femmes (et les tenues couvrantes qui l’accompagnent) est un moyen de pression sur ceux et celles qui sont supposés ressortir à la religion musulmane, pour leur imposer une forme de pratique extrême !
On a trop oublié l’analyse sévère du port du voile faite par le rapport Stasi en 2002 sous le titre explicite : « Une grave régression de la situation des jeunes femmes » (voir encadré) : « Celles qui ne le portent pas et le perçoivent comme un signe d’infériorisation qui enferme et isole les femmes sont désignées comme « impudiques », voire « infidèles ». »
En quoi les femmes adultes et les étudiantes seraient-elles moins concernées par cette analyse ? Les premières cibles de ce déploiement réellement prosélyte sont les femmes de culture (ou de religion) musulmane qui refusent cet assujettissement. Dans les lieux largement communautarisés, comment préserver sa liberté ? L’enjeu des islamistes politiques est de communautariser les universités. Ils savent bien que qui plie son corps à la loi religieuse se soumet plus facilement aux injonctions dites cultuelles. « Un certain Blaise Pascal » l’a déjà dit aux chrétiens…
Légiférer ou… appliquer la loi ?
De telles manœuvres violent manifestement la loi existante, citée par l’ODL de façon toute formelle :
Art. L141-6 du Code de l’éducation : « Le service public de l’enseignement supérieur est laïque (…). Il doit garantir à l’enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique. »
Art. L 811-1 du Code de l’éducation : Les étudiants exercent la liberté d’information et d’expression « dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux activités d’enseignement et de recherche et qui ne troublent pas l’ordre public. »
Il n’est donc pas indispensable de légiférer (accordons ce point de forme à l’ODL)… Il suffirait –ce que l’avis se garde bien de proposer !- que le ministre en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche enjoigne par circulaire aux présidents d’Université d’introduire dans leur Règlement Intérieur, en application de l’art. L.141-6 du Code de l’éducation, une disposition de ce type :
« dans les salles de cours, lieux et situations d’enseignement et de recherche des établissements publics d’enseignement supérieur, les signes et tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse sont interdits. ».
Cette formulation s’inspire du rapport du 28 mars 2013 ((« Faire vivre la laïcité », éd. Le Publieur.)) de la mission laïcité du défunt Haut-conseil à l’intégration (qui proposait d’ailleurs une loi), et reste mesurée. En effet, elle ne s’appliquerait pas sur les campus, dans les restaurants, etc., mais strictement dans le cadre des lieux et activités d’enseignement et de recherche.
Ce ne sont pas les usagers qui sont astreints au principe de laïcité, c’est l’activité publique d’enseignement et de recherche elle-même !
Une telle solution (circulaire ministérielle rappelant à la loi) a récemment été appliquée –il faut le saluer- aux élèves-enseignants stagiaires des ESPE (établissements chargés de la formation initiale des professeurs), qui, eux, sont tenus à la neutralité religieuse par leur statut de fonctionnaires stagiaires –en dépit des protestations de certains « idiots utiles » criant à « l’islamophobie » par ignorance de la loi. L’ODL le confirme a posteriori.
Quelques avancées… bien insuffisantes
C’est Noël : relevons donc quelques avancées utiles dans l’avis du 15 décembre.
Outre le rappel à la neutralité de l’ensemble des personnels, y compris vacataires, il conseille de préciser dans les règlements intérieurs les règles de laïcité (examens, contestation des cours) « avec fermeté »… fermeté qui n’inclut pas, hélas, la réglementation de l’affichage religieux par les étudiants !
Saluons surtout la prise en considération d’une revendication du Collectif des associations laïques dont fait partie l’UFAL : le rappel à la loi (art. L.731-14 du code de l’éducation), qui interdit aux établissements supérieurs privés de prendre le titre d’universités. Les laïques ne manqueront pas de faire appliquer cette recommandation aux autoproclamées « universités catholiques » de Paris, Angers, Lyon, Lille et Toulouse (la Faculté de théologie de Strasbourg dépendant du statut dérogatoire de l’Alsace-Moselle !).
Malheureusement, si l’ODL rappelle aussi le principe du monopole de la collation des grades par l’Etat, c’est pour justifier l’accord France-Vatican de 2008 (dont le Collectif réclame l’abrogation), au motif que ce texte permet « la reconnaissance du niveau, et non du diplôme ». Distinction byzantine : il reste scandaleux que des « diplômes canoniques » à usage purement interne à l’Eglise, à contenu essentiellement dogmatique, étroitement encadrés par le magistère papal (tout le contraire de l’art. L.141-6 cité plus haut !), soient le moins du monde pris en considération par l’université publique.
Comme pour l’Alsace-Moselle, l’ODL propose quelques amodiations symboliques pour, surtout, ne toucher à rien ! On est prié de croire que l’Université « n’a pas de problèmes avec sa laïcité ».