Au moment même où la loi dite de « sécurité globale » et où la « doctrine du maintien de l’ordre » rencontrent une opposition déterminée, alors que se multiplient les violences policières, le gouvernement vient de promulguer en catimini trois décrets étendant le fichage policier !
Les décrets du 2 décembre 2020 permettent en effet la collecte « des opinions politiques, des convictions philosophiques, religieuses ou une appartenance syndicale », ainsi que « des données de santé révélant une dangerosité particulière. » sans qu’aucun débat public à la hauteur des enjeux n’ait été organisé.
Déjà en 2015, des militants écologistes avaient été empêchés de manifester sur la base de l’état d’urgence anti-terroriste, les Gilets Jaunes ont été criminalisés depuis 2018 et un préfet de police en exercice s’est permis de diviser la société en «camps» opposés. Les nouveaux décrets donneraient aux procureurs de la République un accès aux convictions philosophiques ou religieuses contenues dans ces méga-fichiers. Ces données qui relèvent de l’intime ne sauraient en aucun cas être essentialisées. Ce serait une grave rupture avec la liberté de conscience, fondement du principe de laïcité. Elles sont par ailleurs inutiles au juge mais pourraient servir à museler les opposants aux politiques gouvernementales.
Les progrès de l’informatique et du traitement des données auraient dû s’accompagner d’une prudence et d’un contrôle démocratique accrus de la création et de l’utilisation de ces fichiers. Force est de constater qu’il n’en est rien. Ainsi, des avis de la CNIL n’ont pas été suivis sur le périmètre de certaines catégories de données qu’elle considérait trop étendues ainsi que sur les données relatives aux «activités sur les réseaux sociaux».
Du « Livret ouvrier » de Napoléon 1er aux fichiers de police actuels (le rapport Bauer en avait dénombré 37 en 2008), en passant par le « fichier Tulard » recensant les supposés communistes ou Juifs à la fin de la 3ème République qui fut remis gracieusement à la Gestapo à Paris en 1942, ou le carnet anthropomorphique des « nomades » créé par une loi de 1912, remplacé en 1969 par un « carnet de circulation » des « gens du voyage » (supprimé en 2015), l’histoire du fichage de la population en France s’est trop souvent confondue avec des outils de répression, voire d’extermination des personnes ainsi répertoriées. Les présents décrets sont une boîte de Pandore qui ne peut être mise entre les mains des dirigeants d’aujourd’hui et a fortiori entre celles de ceux de demain.
Cette extension du fichage doit être abrogée en ce qu’elle viole non seulement le principe constitutionnel de sûreté qui implique que tout citoyen soit protégé des éventuels abus du pouvoir, mais aussi le principe de laïcité qui contient le respect de la liberté absolue de conscience et le droit de changer à tout moment de « convictions ».
Le recul de Nicolas Sarkozy en 2008 qui a dû retirer le fichier EDVIGE après qu’une pétition eut recueilli plus de deux cent milles signataires montre que rien n’est perdu.
Les recours juridiques déjà engagés ne suffiront pas. Le peuple doit se lever en masse contre ces décrets scélérats !
Nous exigeons le retrait immédiat des décrets du 2 décembre 2020.
Premiers signataires :
- Philippe Barre, syndicaliste
- Dounia Besson, militante associative
- Josine Bitton, avocate au Barreau de Seine-Saint-Denis
- Franck Boissier, président Ufal Montreuil
- François Boulo, avocat, Gilet jaune
- Flavien Challieux, fonctionnaire ministère du travail
- François Cocq, essayiste
- Fanny Cortot, avocate au Barreau du Val-de-Marne
- Charles Coutel, philosophe
- Vincent Denorme, militant associatif
- Romain Dureau, agroéconomiste, GRS
- Frédéric Faravel, conseiller municipal et communautaire de Bezons(95)
- Arnaud Fabre, administrateur national des Stylos rouges
- Didier Fassin, professeur à l’Institut d’études avancées de Princeton
- Bernard Foucher, conférencier gesticulant
- Hélène Franco, magistrate, syndicaliste
- Jean Gatel, ancien ministre
- Christian Gaudray, président de l’Union des Familles Laïques – UFAL
- Charlotte Girard, universitaire
- Riva Gherchanoc, CLCS-Flp
- Nicolas Gliere, membre des stylos rouges
- Claudine Granthomme, Clcs-flp Charente
- Nicolas Guillet, juriste
- Ioannis Kappopoulos, avocat au barreau de Valenciennes
- Georges Kuzmanovic, président de République Souveraine
- Franck La Brasca, professeur des Universités honoraire
- Aude Lancelin, rédactrice en chef de QG, le média libre
- Laurent Lebon, musicien artiste enseignant
- Manon Le Bretton, membre des Constituants
- Patrice Leguerinais, militant associatif
- Louisa Leroy, Clcs-Flp Paris et Convergence SP Paris
- David Libeskind, avocat
- Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice
- Caroline Mécary, avocate au Barreau de Paris
- Thierry Mesny, président de l’ADLPF (Association des Libres Penseurs de France)
- Sacha Mokritzky, rédacteur en chef de la revue Reconstruire
- Arnaud de Morgny, coordonnateur GRS Ile-de-France
- Armand Nejade, ancien chercheur Inrs
- Frédéric Pierru, chercheur en sciences sociales et politiques
- Nicolas Pomiès, dirigeant mutualiste, membre du bureau national de l’UFAL
- Régis Portalez, Gilet jaune
- Christophe Prudhomme, médecin hospitalier, syndicaliste
- Bernard Teper, co-animateur du Réseau Éducation Populaire (Rep)
- Didier Thevenot, président de la Mutuelle Générale de Prévoyance
- Yohan Salès, conseiller municipal à Pierrefite
- Mylène Stambouli, avocate au Barreau de Paris
- Jean-Jacques Verchay, président de la Mutuelle de France Unie
- Catherine Verne, philosophe
- Monique Vezinet, journal Respublica
- Frédéric Viale, essayiste
- Pierre Zilber, président de Mutuale, La Mutuelle Familiale