"In gay we trust", "Occupe-toi de ton cul", "Fuck Church"… Les slogans déclamés par des militantes Femen en novembre 2012, lors d’un défilé parisien de Civitas contre le mariage pour tous, ne portent donc pas injure aux catholiques. Par un arrêt rendu ce mardi, le tribunal correctionnel de Paris a débouté la demande de l’Agrif, association proche de l’extrême droite, de condamner les Femen pour "injure envers les manifestants en raison de leur appartenance à la religion catholique".
En plein débat sur le mariage pour tous, le mouvement catholique intégriste Civitas s’était réuni à Paris le 18 novembre 2012 pour dénoncer la réforme portée par Christiane Taubira. Une occasion rêvée pour les Femen de faire valoir leurs positions antireligieuses. Seins nus, le corps recouvert d’inscriptions anticléricales et pro-gay, les militantes avaient rapidement été prises à partie par des membres de Civitas. Les médias présents ont d’ailleurs filmé la violence physique et verbale des activistes catholiques.
A ces débordements violents, l’Agrif (l’Alliance générale contre le racisme et pour la défense de l’identité française et chrétienne), qui représentait Civitas au procès, oppose les injures prononcées par les Femen. En produisant un raisonnement juridique brouillon, qui vise à amalgamer la législation antiracisme avec des considérations religieuses que la loi ne prévoit pas.
Car ne nous y trompons pas, si l’Agrif entend lutter contre le racisme, elle ne distingue sur son site que trois types de racisme : le racisme antichrétien, le racisme antifrançais et le racisme antihumain (comprenez l’avortement et l’euthanasie)… Une belle vitrine des positions les plus radicales de la cathosphère d’extrême droite. L’association a d’ailleurs été fondée en 1980 par un certain Bernard Antony, alors représentant de la sensibilité catholique traditionnelle au Front national.
Pour Michaël Ghnassia, l’avocat des Femen, "il ne s’agissait même pas de viser la Manif pour tous, mais des personnes considérées comme des extrémistes, certaines en rupture même avec l’Église". Dans sa plaidoirie, Maître Ghnassia a d’ailleurs rappelé la présence de "militants du GUD, des Jeunesses nationalistes, ainsi que des membres du FN, présents à titre personnel". Des arguments que le tribunal a sans doute pris en considération, estimant que les slogans – même outranciers – relevaient d’une critique sur un mode humoristique et parodique de la religion, et donc de la liberté d’expression.
Une décision heureuse, donc, mais qui ne clôt pas pour autant l’affaire. Présente sur les lieux pour suivre les Femen avec une équipe de France 2, la journaliste Caroline Fourest a porté plainte pour "coups et blessures" contre les participants du défilé. De même qu’Inna Shevchenko, la leader des Femen. De leur côté, les membres de Civitas ont eux aussi porté plainte mais pour "violences en réunion et avec armes" contre des Femen armées de petits extincteurs. Si ce second volet de l’affaire ne devrait être jugé que dans plusieurs mois, le premier aura déjà permis d’affirmer que la liberté d’expression prime sur le fanatisme religieux.
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