I tréma est une émission littéraire de Laïcidade , la chaine de baladodiffusion (podcast) de l’UFAL, animée par Philippe Foussier de l’UFAL Paris qui présente des livres pour faire la République laïque et sociale. Emmanuelle Billier-Gauthier est la présentatrice et maitresse d’œuvre de l’émission.
Dans I tréma #19, c’est un livre de collectif «Le Bêtisier du laïco-sceptique» qui fait l’objet de la recension à écouter sur toutes les plateformes d’écoute.
La contre-offensive laïque illustrée
Notre période nous donne hélas à constater combien chaque jour la laïcité est dévoyée, travestie, trahie et détournée. On ne compte plus ses faux amis ni ses vrais ennemis qui génèrent bien plus de confusion que de clarté sur le sujet.
Le Bétisier du laïco-sceptique vient à point nommé pour fournir un argumentaire à ceux qui douteraient des vertus émancipatrices de la laïcité. En 7 chapitres, 46 réponses à des questions pertinentes ou au contraire biaisées et 35 dessins du célèbre Xavier Gorce et de ses grinçants pingouins, ce petit manuel d’autodéfense en temps d’offensives anti-laïques tous azimuts sera bien utile tant aux sceptiques qu’aux laïques déjà convaincus.
Nombre d’idées fausses tendent à mélanger laïcité et hostilité à l’égard de la foi. Les auteurs nous rappellent que la laïcité « lutte contre la prétention des religions à imposer des modes de vie et de pensée et à se constituer en principe d’organisation sociale voire politique ». C’est ainsi qu’on peut parfaitement être laïque et croyant et même pratiquant, laïque et s’imposer à soi-même des règles de vie en cohérence avec cette pratique spirituelle mais sans astreindre ses semblables à se conformer à ces mêmes règles.
On se réfèrera ainsi volontiers aux réponses adressées à ceux qui assènent que la République est laïque mais que la société ne l’est pas, ajoutant souvent sur un ton docte que la laïcité de l’Etat n’est qu’une neutralité. Alors « oui, la société est laïque parce qu’on y respire un air de liberté et d’égalité qui n’existe nulle part ailleurs ». Et non, « la laïcité n’est pas neutre car elle prend parti en faveur de la liberté de conscience ». De surcroit, depuis 1905, « non seulement la société française n’a pas remis en cause la laïcité mais elle s’en est emparée pour en faire une forme de sécularisme émancipé ». Et nos quatre auteurs -Renée Fregosi, Nathalie Heinich, Virginie Tournay et Jean-Pierre Sakoun- de conclure sur ce point : « La laïcité existe en tant que principe parce qu’elle est plébiscitée en tant que conduite sociale ».
Parler et agir en laïques
Un chapitre de ce petit manuel est judicieusement consacré au lien entre laïcité et savoirs scientifiques. « A partir du moment où les convictions religieuses sont intégrées dans les contenus scolaires, la séparation claire entre ce qui relève de la connaissance et ce qui concerne les croyances de chacun se trouve menacée », observent les auteurs. Sans doute purement théorique pendant plusieurs décennies, cette réalité semble peu à peu s’imposer dans notre pays et ne concerne d’ailleurs pas qu’un champ strictement religieux. Or, « à l’instar de ce que furent jadis les ‘sciences prolétariennes’ ou les ’mathématiques aryennes’, des militants revendiquent aujourd’hui de s’appuyer sur des données ‘intersectionnelles’ ou dites ‘écoféministes’… », ruinant ainsi toute possibilité d’élaborer un langage commun et encore moins un partage des savoirs et des connaissances.
On rejoindra aussi les auteurs lorsqu’ils préconisent une recette pour inverser la tendance des temps présents adossée à leur foi -laïque- dans le caractère performatif de l’exemple donné : « Que les maitres, que les décideurs, que les politiques se remettent à parler et à agir en laïques et l’on verra combien il est aisé d’unir de nouveau le peuple autour de ces principes de gouvernement et de ces valeurs sociales ».
Philippe Foussier
Renée Fregosi, Nathalie Heinich, Virginie Tournay, Jean- Pierre Sakoun et Xavier Gorce, Le Bêtisier du laïco-sceptique, Minerve-CLR, 160 p., 13 €