I tréma est une émission littéraire de Laïcidade , la chaine de baladodiffusion (podcast) de l’UFAL, animée par Philippe Foussier de l’UFAL Paris qui présente des livres pour faire la République laïque et sociale. Emmanuelle Billier-Gauthier est la présentatrice et maitresse d’œuvre de l’émission.
Dans I tréma #16, c’est le livre de Paul Baquiast et Bertrand Sabot « Emmanuel Arago ou le roman de la République » qui fait l’objet de la recension à écouter sur toutes les plateformes d’écoute.
Arago, la République dans les veines
De l’illustre dynastie républicaine des Arago, on retient plus souvent la figure du père, François, l’astronome et homme d’Etat qui eut son heure de gloire politique sous la IIe République. Emmanuel Arago (1812-1896) fut de son côté diplomate, avocat, écrivain mais avec à son actif une tout aussi brillante carrière politique. Député sous la IIe République, il le redeviendra en 1869 pour ne plus quitter le Parlement jusqu’à sa mort. Il est ministre de la Justice puis de l’Intérieur dans le gouvernement de la Défense nationale installé en septembre 1870, à la chute de Second Empire.
L’intérêt de la très belle biographie que viennent de lui consacrer Paul Baquiast et Bertrand Sabot consiste déjà à nous rappeler le parcours politique impressionnant de ce républicain exemplaire. Les auteurs ont sous-titré leur lire « le roman de la République », qui résume parfaitement la vie de cette figure injustement oubliée. Ami de Balzac, d’Eugène Sue et surtout de George Sand, Emmanuel Arago eut une vie passionnante et passionnée.
C’est en 1870, à un âge mûr -58 ans- qu’il est initié à la franc-maçonnerie, rejoignant au sein de la Loge Le Réveil maçonnique du Suprême Conseil de France Crémieux, Garnier-Pagès ou Jules Simon. Il entre au gouvernement dans la foulée tandis que son oncle -et frère- Etienne devient pour sa part maire de Paris. Sa progression dans l’Ordre est rapide : il est titulaire du 33e degré du Rite écossais ancien et accepté dès 1874 et deviendra un peu plus tard Grand Orateur du Suprême Conseil. Ses fonctions d’ambassadeur à Berne lui empêcheront d’accéder à la direction de l’Ordre, qui lui est proposée notamment au décès d’Adolphe Crémieux, dont il demeure proche jusqu’à sa mort en 1880.
A l’image d’une majorité des francs-maçons de l’époque, Emmanuel Arago est non seulement ardemment républicain mais aussi enclin à un anticléricalisme à la hauteur des dérives ultramontaines de l’Eglise catholique, dans la foulée du Syllabus et du dogme de l’infaillibilité pontificale. Dénonçant la « légion noire », il rend des hommages appuyés à Voltaire à l’occasion des célébrations maçonniques du centenaire de sa mort. Pour demeurer au premier plan de la mémoire collective, peut-être a-t-il manqué à ce grand républicain ce que Paul Baquiast et Bertrand Sabot décrivent en creux de sa personnalité : « Sans doute le tempérament d’Emmanuel était-il trop romantique, trop intransigeant et inflexible pour s’accommoder des mesquineries de la politique politicienne ».
Philippe Foussier
L’UFAL de Chaville + a également consacré un webinaire à ce livre :