Scientia est l’émission de la chaine baladodiffusion (podcast) de Laïcidade l’UFAL consacrée au savoir humaniste et à la science, à écouter sur toutes les plateformes.
Patrick Gaudray, son animateur est généticien, ancien directeur de recherche au CNRS et ancien membre du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE). Il est l’auteur de « Quand la santé fait parler l’ADN ». Autant dire qu’il sait de quoi il parle !
Dans Scientia #2, il revient sur l’anniversaire du premier séquençage du génome humain et en aborde les conséquences tant éthiques que politiques.
L’Homme ne se réduit pas à son génome
Il y a 20 ans, le monde était en émoi devant la publication de la première séquence d’un ADN humain. Outre l’exploit technoscientifique que cela représentait, cette première séquence a été la porte ouverte vers un nouveau monde scientifique. La science, la médecine, la justice, mais aussi et surtout le business avec les services directs aux consommateurs et la gestion des « méga données », les big data auxquelles ces millions de séquence ont donné naissance, tout ceci donc s’est emparé de la fameuse « séquence d’ADN », l’a en quelque sorte banalisée. La question se pose de savoir s’il s’agit d’un outil de libération ou d’aliénation.
D’une manière générale, on comprend encore assez mal le message qui est porté par les trois milliards de lettres du grand livre de notre génome. Mais on le découvre un peu plus chaque jour.
Je pense qu’on ne peut pas réduire l’homme à son génome, à son ADN. Je crois que les notions d’environnement, les notions sociologiques, anthropologiques, psychologiques sont déterminantes pour son identité et son futur. Cet anniversaire permet de revenir sur la notion de diversité humaine, de diversité génétique. Le déterminisme génétique qui, s’il existe bien, n’est pas un absolu (nous ne sommes pas totalement déterminés par nos gènes) apparaît plus comme un « besoin » social, une réponse à la nécessité de maintenir un ordre établi, une hiérarchie sociale.
On en arrive à l’invention du concept de races qu’on pourrait placer arbitrairement sur une espèce d’échelle d’humanité, une échelle de valeur d’humanité, on en arrive à l’eugénisme.
L’étude de la diversité génétique de l’humanité a encore de très beaux jours devant elle. Il est certain qu’en tant que généticien, je suis sensible à la réalité des variations génétiques qui nous permettent de nous resituer dans une logique de communauté humaine unique et diverse.