On ne peut traiter de la lutte contre les discriminations et le racisme, et apporter des réponses républicaines qui s’imposent, sans faire au préalable un état des lieux dans la mouvance antiraciste d’aujourd’hui.
Les valeurs universelles et laïques cimentaient traditionnellement le combat commun de ceux qui entendaient lutter à la fois contre toute résurgence de masse d’un antisémitisme toujours latent, et de ceux qui s’opposaient au racisme colonial et néo-colonial s’exerçant à l’encontre de toutes ces générations d’immigrés et de leur descendants qui ont contribué au développement de la France.
C’est cette unité qui explose aujourd’hui dans un champ antiraciste en déficit d’universalisme et de laïcité, soumis de façon croissante aux forces centrifuges :
- du communautarisme,
- du religieux dans sa version prosélyte et politique,
- de la concurrence des mémoires
- du choc des civilisations.
On ne construira pas un espace républicain et laïque reposant sur l’égalité des droits en cédant à ces diverses pressions.
Le choc des civilisations a malheureusement pénétré certains secteurs antiracistes. Il imprègne plus seulement l’extrême-droite et la droite la plus atlantiste mais aussi malheureusement certaines franges se réclamant de la démocratie et du progressismes, parmi elles des courants tiers-mondistes de gauche ou d’extrême-gauche, mais aussi des courants se réclamant de la laïcité.
Commençons par les secteurs laïques, car lorsque l’on défend un principe aussi fondamental que la laïcité, encore faut-il le faire sans ambiguïté.
On voit ainsi des tendances se réclamant de la laïcité, dériver dans un racisme anti-musulman virulent. J’entends par racisme anti-musulman l’incitation à la discrimination à l’encontre de ces croyants ou ces campagnes qui visent à les priver de lieux de culte ou droit à la pratique de leur foi
C’est là une laïcité borgne, axée principalement contre les pratiquants de la deuxième religion de France, qui parfois confine au racisme à l’égard des populations arabes ou d’origine arabe soupçonnées d’être la cinquième colonne de l’islamisme politique.
Mais on assiste aussi à la dérive d’un tiers-mondisme primaire vers l’islamisme, les deux étant unifiés contre le même axe du mal, le grand satan américano-sioniste.
Laïques en dérive ou islamo-tiers-mondistes les deux procèdent d’une vision binaire du monde et du choc des civilisations.
J’illustrerais ceci par quelques exemples :
- Quand Riposte laïque publie sur son site Internet un article dont le titre est : « Construction de mosquées : pourquoi il faut dire non (argumentaire pour les maires) », elle relaye ainsi les pires campagnes d’extrême droite et appelle à la discrimination au mépris du droit républicain au libre exercice de la croyance.
Quand elle dénonce le « métissage » dans un article qui se termine ainsi « Serais-je la seule à refuser de coucher avec les amants allochtones que veulent m’imposer Yannick Noah et Yazid Sabeg, Certainement pas, et je prends le pari que mon avis est partagé par une très large majorité de mes concitoyens qui sont restés d’irréductibles Gaulois de cœur et d’esprit ».
Ce fantasme d’une France menacée par les hordes allochtones qui viennent, pour métisser la race gauloise, relève du choc des civilisations de l’ethnocentrisme et du racisme, c’est tout sauf de la laïcité. - Mais le choc des civilisations fait aussi école auprès de certaines franges tiers-mondiste qui procèdent du même manichéisme.
Elles procèdent seulement à une inversion des axes version Bush; l’axe du mal devient l’américano-sionisme et l’axe du bien est constitué de tous ceux qui s’opposent à lui, fussent-ils les pires islamistes et dictateurs.
Il suffit d’observer ce qui s’est passé dans les manifestations parisiennes ou dans certaines grandes villes contre les crimes de guerre commis à Gaza,
Des cortèges constitués de plusieurs milliers de personnes brandissaient le portrait des nouveaux grands maîtres à penser anti-impérialistes, Cheick Yassine ou Nasrallah, On a même vu ce que l’on n’avait jamais vu, hormis dans les manifestations chrétiennes intégristes contre l’IVG, des prières collectives dans la rue à l’appel de l’imam. Suite à ces manifestations contre les crimes de l’armée israélienne, on notera les communiqués embarrassés de certains partis de gauche concernant les débordements islamistes. Embarras, mais pas vraiment de dénonciation de ces amis encombrants de la famille antisioniste que sont ces chantres du Hamas et Hezbollah dont l’antisionisme flirtait avec l’antisémitisme et le négationnisme (voir les pancartes « shoah à Gaza, holocauste à Gaza » « nouvel holocauste » etc. …)
De fait nous assistons à une véritable offensive de l’islam politique, qui avance sous le masque de l’altermondialisme afin de capter les gens de gauche.
Ce sont ces mouvances regroupant l’islam politique, une partie de la gauche tiers-mondiste et certaines composantes antiracistes qui ont organisé les manifestations contre la loi sur les signes religieux et continuent de militer pour son retrait.
Elle agrègent des organisations comme les « Indigènes de la République », la mouvance islamique proche de Tariq Ramadan « Oumma », le « collectif des musulmans de France » diverses sensibilités d’extrême-gauche et surtout « Présence et spiritualité musulmane » antenne française de l’un des principaux partis islamistes marocain, celui d’Abdessalam Yassine,
Mais les petits poucets de gauche, idiots utiles de l’islamisme, ne feront pas longtemps le poids face à ces mouvances religieuses radicales, beaucoup plus structurée tant sur le plan idéologique qu’organisationnel.
On pourrait être surpris lorsque des organisations antiracistes ou de gauche dérogent à la laïcité en s’associant à ces mouvances religieuses radicales, mais c’est au nom de l’islam, perçu comme religion des pauvres et des opprimés que s’établissent ces connexions apparemment contre nature.
Ajoutons qu’il y a parfois, à gauche, des spéculations sur un possible électorat musulman, (dont l’existence reste d’ailleurs à démontrer), ce qui peut alors conduire à céder aux pressions islamiques. C’est ainsi qu’un leader antiraciste propose des horaires femmes dans les piscines favorisant ainsi la discrimination et l’apartheid sexiste.
Les femmes immigrées ou jeunes françaises filles de l’immigration sont souvent les victimes de ces connivences qui les abandonnent à leur sort.
Nous avons une permanence contre les discriminations dans les Landes.
Dans cette petite préfecture de province, nous recevons 2 000 visites par an, et parmi elles une nombre significatif de femmes victimes de violences conjugales de la part de ceux qui reproduisent la violence sociale dont ils sont eux-mêmes victimes dans la société. On nous objectera, la violence machiste est dans toute la société, c’est vrai ! Mais les mariages forcés ou la femme que l’on va chercher au pays parfois pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les sentiments sont aussi des réalités, nous en mesurons toutes les conséquences quand nous recevons ces femmes victimes d’oppression machistes.
Certes ce n’est pas toute la réalité, ce sont d’ailleurs des comportements minoritaires et qui ne doivent en aucun cas stigmatiser l’homme musulman comme le font les secteurs laïques dévoyés, mais ces phénomènes sont suffisamment inquiétants pour exiger une dénonciation et une attitude ferme de la république pour défendre ces femmes.
Mais en exposant tout étranger à l’expulsion si il y a rupture de vie commune pendant les 4 années qui suivent le mariage, le pouvoir oblige de fait les femmes à rester au domicile,
La violences ou l’expulsion ! Voilà le dilemme de la France de Messieurs Sarkozy et Hortefeux ou Besson.
C’est là une discrimination institutionnelle, entre celle française qui peut fuir le domicile conjugal et celle étrangère qui ne le peut pas. (On peut même connaître ici ou là, des obligations à quitter le territoire pour rupture de vie commune suite au décès du conjoint !).
On comprendra alors que lorsque des bobos de l’indigénat voilé viennent sur les plateaux télévisés, accompagnés de représentants antiracistes, se prêter à des reality show sur le thème « le voile c’est mon choix » nous puissions penser aux autres, celles qui viennent demander assistance , celles qui subissent l’oppression de phénomènes culturels largement conditionnés par la religion, celles qui voient leur sort aggravé par la double peine qu’est le risque d’expulsion pour rupture de vie commune.
Pourquoi ce revirement d’une gauche ou d’une extrême-gauche qui s’étaient largement mobilisées dans les années 70 pour le droit des femmes ? La réponse est simple : ces tiers-mondistes sommaires procèdent du relativisme culturel.
Le combat pour la laïcité, pour le droit des femmes c’est bon pour la femme occidentale, mais la spécificité culturelle de l’orient doit permettre de déroger aux droits fondamentaux.
Et ce relativisme culturel imprègne aujourd’hui toute une frange du mouvement antiraciste ou des Droits de l’Homme. C’est là un extraordinaire revirement de l’histoire qui voit des gens à gauche de l’échiquier politique, hier encore porteurs des luttes féministes, apparaître comme les cautions de l’islam politique vecteur d’une régression des droits fondamentaux.
Ce relativisme culturel conduit à l’enfermement identitaire
Ceux et celles, d’origine arabo-musulmane, qui d’une façon ou d’une autre remettent en cause l’islamisme sont qualifiées dans un article du site de l’islam politique Oumma de « nouveaux oncles Tom » « des auxiliaires arabes ou musulmans » servant leurs maîtres occidentaux et Oumma établit la liste de ces oncle Tom « Mohamed Sifaoui, Tahar Ben Jelloun, Malek Boutih, Soheib Bencheikh, Loubna Meliane et Chahdortt Djavann. »
C’est cela aussi cela le choc des civilisations, l’enfermement des individus dans des héritages culturels et religieux. Ceux qui franchissent les passerelles dans le refus de l’assignation au nom de valeurs universelles deviennent alors des traîtres à leur race et des «oncles Tom »
Et de l’assignation identitaire on passe très vite au racisme !
L’assignation identitaire vue par l’islam politique est très proche de celle vue par Riposte laïque. L’identité des uns ce sont les racines musulmanes, l’identité des autres ce sont les racines « gauloises ».
Et cela débouche inévitablement sur le racisme. Les groupes humains ne se définissent plus en fonction de leur situation sociale, des rapports de classe, leur difficulté de vie ou leur richesse, mais quasi exclusivement en fonction d’un héritage ethnique.
Dans cette France qui connaît les parachutes dorés et les charrettes de licenciements, les indigènes de la république et autres tiers-mondistes ne voient avant tout que des groupes humains motivés par la quête de leurs origines ou d’une identité surdéterminée par une filiation coloniale !
Donc par hérédité coloniale, les blancs, ouvriers comme PDG des banques, sont les oppresseurs des indigènes non blancs.
Ainsi la porte-parole des Indigènes de la République médiatisée, Houria Bouteldja, sur un plateau de télévision, oppose les « quartiers défavorisés » au reste de « la société et ses privilèges ».
Au cas où le téléspectateur n’aurait pas bien compris ce qu’elle entend par « privilégiés », elle précise aussitôt qu’il s’agit des « souchiens », ajoutant à l’adresse de ceux qui pourraient être surpris par la sémantique, les souchiens « il faut bien leur donner un nom : les blancs ! »
C’est une réhabilitation de la notion de race, notion finalement partagée avec le très droitier Eric Zemmour et l’extrême droite
Mais l’aboutissement de cette dérive raciale et raciste c’est l’annonce de la création du « Parti des Indigènes de la République », un parti ethnique de non-souchiens.
Même Le Pen n’avait osé ethniciser aussi crûment son parti raciste, les indigènes eux l’on fait ! Sans réaction particulière des organisations antiracistes.
Le parti racial entre aussi dans le champ du relativisme culturel. Le parti raciste de Le Pen on le combat tandis que le parti ethnique des indigènes doit être toléré comme parti des exclus dont il faut entendre le cri, nous dit-on ! Mais il y a des cris qu’il faut mieux couvrir.
- Si l’État ne sait pas imposer une véritable politique de lutte contre les discriminations par le soutien aux structures de terrain qui aident les victimes dans le constat des faits et leur accompagnement juridique.
- Si un renversement de la charge de la preuve n’est pas adopté, alors les discriminations dans l’accès à un emploi ou un logement perdureront
- Si les intolérables contrôles au faciès qui sont de véritables discriminations commises par l’appareil l’État ne cessent pas
- Si la République ne sait pas donner de réponses valables pour tous, alors les victimes se tourneront de plus en plus vers le corporatisme communautaire qui conduit au marchandage clientéliste.
Les groupes les plus nombreux vont alors marchander leur positionnement dans la République sur la base de leur représentativité numérique et de leur capacité de pression.
Le corporatisme communautaire saura composer avec la discrimination positive vers laquelle incline le chef de l’État. L’Europe chrétienne de Nicolas Sarkozy ,dans laquelle « l’instituteur ne remplacera jamais le curé !», n’est pas incompatible avec la discrimination positive qui permettra aux groupes religieux les plus structurés d’avoir leurs places d’honneur sur le podium ,sous la première marche chrétienne.
Malheur alors aux groupes qui n’auront pas l’expérience du lobbying, ils n’iront même pas en finale.
L’universel cèdera la place aux revendications particulières, le métissage qui était le propre du modèle français s’effacera au profit du modèle anglo-saxon de groupes ethniques juxtaposés sans passerelles entre-eux.
Texte de l’intervention aux 2e RLI de Saint-Denis
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