Les députés ont voté pour l’ensemble des 4 branches de la Sécu un déficit de 20,9 milliards d’euros, soit quasiment la même chose que l’année dernière (21,3 milliards d’euros).
CYNISME ET MÉTHODE COUÉ POUR LES PRÉVISIONS
En 2014, ils prévoient un déficit global de 15,3 milliards d’euros. Il faut bien comprendre ce que cela veut dire. Comme les néolibéraux appliquent le dogme d’un nécessaire accroissement de la déformation de la répartition de la valeur ajoutée (ou dit autrement « modification de la répartition des richesses ») en faveur des profits et au détriment des salaires directs et socialisés, il n’y aura pas de recettes nouvelles. Pire, ils prévoient l’affaissement relatif des recettes Sécu au regard des richesses produites. Conclusion : la diminution du déficit est due au recul rapide des remboursements assurance maladie, à la baisse des retraites et à la diminution forte des déclarations AT-MP. CQFD.
QU’EN EST-IL DE L’ALLONGEMENT DE LA DURÉE DE VIE DE LA CADES ?
La caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) est un moyen de regrouper des déficits que l’on souhaite sortir du budget annuel. La CADES a été créée en 1996 pour financer ces déficits par le crédit. Bien évidemment, cette création est en grande partie due à un manque de recettes sociales. Ce manque de recettes sociales est directement lié à la déformation de la répartition de la valeur ajoutée depuis une trentaine d’années (voir plus haut ; cela représente un manque de 186 milliards d’euros par an dans le « camp du salaire direct et socialisé »). Comme les néolibéraux estiment que cette déformation de la répartition de la valeur ajoutée est une bonne chose, elle est érigée en dogme. S’y ajoutant la montée des besoins sociaux, voici les raisons du fameux « trou de la Sécu ».
Les néolibéraux ont donc créé la CADES pour financer par le crédit ces déficits, en renvoyant sur les générations futures leur paiement. Et puis, comme le gouvernement ne souhaite pas augmenter les recettes sociales, elle n’a comme possibilité que de reculer la date d’échéance de la CADES (avec ce PLFSS, l’échéance de la CADES est repoussée de 2021 à 2025) ou de durcir encore les politiques anti-sociales. Bien évidemment, ce système porte en lui-même sa future crise, car on ne pourra pas ad vitam utiliser ce subterfuge qui revient à faire de la « cavalerie » pour des dépenses de fonctionnement.
AVEU DES DÉPUTÉS : ILS ONT VOTE LE MÊME DÉFICIT POUR L’ASSURANCE-MALADIE EN 2011 QU’EN 2010 !
Ils avaient voté l’année dernière pour le régime général de l’assurance-maladie un déficit de -11,4 milliards d’euros, ils ont voté cette année -11,5 milliards d’euros. Et pour l’ensemble des régimes obligatoires, ils ont voté -11,3 milliards contre -11,2 l’année dernière. Preuve est faite, si besoin est, que le but de toutes les contre-réformes régressives n’est pas le « trou de la Sécu » mais bien de diminuer les remboursements assurance-maladie pour :
- d’une part augmenter les remboursements des complémentaires santé et favoriser ainsi la privatisation et la marchandisation de l’assurance -maladie,
- d’autre part augmenter les profits au détriment des salaires directs et socialisés.1
- Pour mémoire, les députés ont adopté un objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2011 à 167,1 milliards d’euros, en hausse de 2,9% par rapport à 2010. Cet Ondam 2011 est décomposé en six sous-objectifs :
- dépenses de soins de ville: 77,3 milliards d’euros (+2,8%)
- dépenses relatives aux établissements de santé tarifés à l’activité: 53,9 milliards d’euros (+2,8%)
- autres dépenses relatives aux établissements de santé: 19,0 milliards d’euros (+2,7%)
- contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées: 7,6 milliards d’euros (+4,4%)
- contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées: 8,2 milliards d’euros (+3,3%)
- autres prises en charge: 1,1 milliard d’euros (+5,9%).
A noter que le député du Nouveau centre Jean-Luc Préel (Vendée) est intervenu pour vanter l’idée de créer des Ordam (déclinaison de l’Ondam dans les régions). La ministre a dit que c’était bien à terme dans l’objectif du ministère, une fois que l’évaluation du fonctionnement des ARS serait réalisée.
POUR LA BRANCHE AT-MP, LE SCANDALE CONTINUE !
Ils ont voté un excédent de 100 millions d’euros en 2011 (régime général et ensemble des régimes) pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) après un déficit de 500 millions en 2010. Lisons entre les lignes. Tout est fait dans les contre-réformes régressives pour faire en sorte que les AT-MP soient de moins en moins indemnisés. Rappelons que c’est le patronat qui finance entièrement cette branche, il est donc important, pour le MEDEF, que les représentants du MEDEF à l’Assemblée nationale rééquilibre cette branche plus que toute autre! La dernière en date est l’article 25 de la loi sur les retraites qui supprime l’indépendance des médecins du travail en donnant leurs prérogatives au directeur des services de santé au travail directement nommé par les employeurs. Bien joué pour les employeurs, un scandale de plus pour les salariés !
LA PRESSION SUR LES MÉDECINS AMBULATOIRES S’ACCENTUE
Les députés ont voté la possibilité pour la CNAMTS de ne plus payer les cotisations sociales pour les médecins qui n’acceptent pas les directives néolibérales ordonnées par le directeur de général de la Caisse. Voilà une disposition qui va empêcher les médecins de répondre aux besoins sociaux des citoyens et de leurs familles.
LE DISPOSITIF POUR ACCÉLÉRER LES BAISSES DE REMBOURSEMENT AM EST EN PLACE
Les députés ont voté une révision périodique des actes et prestations tous les cinq ans. Comme si tous les 5 ans, certains actes (notés dans l’article L-162-1-7 du Code de la Sécu) mériteraient de ne plus être remboursés ou d’avoir un remboursement moindre. Tout est en place pour la privatisation des profits, la socialisation des pertes, la diminution des prestations sociales pour le plus grand nombre et l’augmentation de l’enrichissement pour une partie très minoritaire de la population.
NÉOLIBÉRALISME OBLIGE, LA MINISTRE ROSELYNE BACHELOT DÉCIDE DE SUSPENDRE LE CSS
Le Contrat Santé Solidarité (CSS) qui était un des rares points positifs de la loi scélérate par ailleurs dite Hôpital, Patients, Santé, Territoires (HPST) a été suspendu par la ministre sur pression des médecins néolibéraux de la médecine ambulatoire. Ce contrat était prévu pour faire travailler les médecins ambulatoires dans les zones à très faible densité médicale.
On voit bien là comment les lois néolibérales sont prévues. Pour faire passer le cœur des politiques néolibérales, on rajoute quelques « rustines » attrayantes pour que les néolibéraux de gauche votent le texte et participent à son application (nombre de membres de cabinets ministériels de la gauche et deux anciens ministres de la santé de « gôche » ont participé pour l’un et participe toujours pour l’autre à la contre-réforme césariste des ARS). Puis, la ministre néolibérale n’applique pas ses rustines. Alors Gérard Bapt au nom du PS se permet de critiquer avec « tact et mesure » la ministre.
Nous lui disons : quand accepterez-vous l’idée que votre pratique politico-stratégique est au mieux d’une grande naïveté et au pire un soutien à des mesures anti-sociales ?
EXTENSION DE LA MISE SOUS ACCORD PRÉALABLE DES TRANSFERTS EN SSR
Là encore, voyez où on en est. Jusqu’ici, pour qu’un transfert puisse se faire de l’hôpital vers le réseau des Soins de Suite et de Rééducation (SSR), certains transferts étaient soumis à un accord préalable (aujourd’hui des ARS). Eh bien l’article 37 augmentera le nombre de ces accords préalables par le directeur de l’ARS et non par un médecin. On voit là la dérive. Moins de pouvoirs médicaux par les médecins, augmentation des technocrates nommés par le monarque, plus de démocratie sociale et sanitaire. On voit bien là la nécessité impérieuse d’une véritable démocratie sanitaire et sociale, nationale et locale comme le programme du Conseil national de la résistance l’avait prévu.
MAISONS DE NAISSANCES CONTRE MATERNITÉS DE PROXIMITÉ
Qui serait contre l’installation pour expérimentation, votée par les députés, de maisons de naissances où les femmes pouvaient accoucher dans des centres moins médicalisés (n’oublions pas que la majorité des femmes hollandaises accouchent chez elle avec un dispositif de très haute sécurité!) ? Mais là où le bât blesse, c’est quand cette position est utilisée contre les hôpitaux et maternités de proximité. Au lieu d’augmenter le libre choix des patientes, le dispositif vise à substituer l’un par l’autre. Pour ceux qui ont une vue d’ensemble de la protection sociale, cela rappelle l’expérimentation des « jardins d’accueil » pour les 2-3 ans alors que l’on a fermé 104.000 places de maternelles dans cette tranche d’âge depuis le début du siècle et que le frein est mis à la construction des crèches collectives et familiales ! Eh bien ce même dispositif est à l’?œuvre dans la santé. On ferme les hôpitaux et maternités de proximité et on expérimente les « maisons de naissances ». De qui se moque-t-on?
LES DÉPUTÉS VOTENT LA CONVERGENCE TARIFAIRE PUBLIC-PRIVÉ EN PRENANT LES PRIX LES PLUS BAS !
L’article 41 a été un grand moment de cynisme de la part de la majorité présidentielle. Tout en maintenant les différences de prise en compte des obligations (plus fortes dans le public que dans le privé, notamment par la prise en compte des rémunérations des médecins dans le public et non dans le privé, des missions d’intérêts général – MIGAC – insuffisants pour l’hôpital public), des choix des établissements2, ils ont voté la convergence tarifaire sur la base des prix les plus bas !
Cerise sur le gâteau, le président de la Fédération Hospitalière de France (FHF, regroupant les hôpitaux publics), le député UMP Jean Leonetti, non favorable à la convergence tarifaire, a refusé de défendre sa position dans l’hémicycle en s’absentant fort opportunément.
Plus scélérat que cela, tu meurs!
LE PLAFOND DE L’AIDE A L’ACQUISITION D’UNE COMPLÉMENTAIRE SANTE AUGMENTE
Près de 8 % des assurés sociaux n’ont pas de complémentaire santé. Tout simplement parce qu’ils n’ont pas les moyens de la payer. L’idéal serait d’augmenter le remboursement Sécu (la seule structure qui est solidaire pour tout le monde de la même façon) pour ne pas avoir besoin d’une complémentaire santé pour se soigner correctement. Mais comme la politique néolibérale actuelle est plutôt de diminuer les remboursements Sécu, les néolibéraux proposent d’augmenter les aides à l’acquisition d’une complémentaire santé pour favoriser les assureurs finançant des actionnaires, assureurs qui sont, avec les instituts de prévoyance, les grands gagnants de tout recul de la Sécu, souvent au détriment des mutuelles. Donc, au lieu d’améliorer les remboursements Sécu, les députés ont augmenté le plafond de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS). Grâce à l’article 18, ce plafond passe de 20 à 26 % du plafond CMU-C au 1er janvier 2011 puis à 30 % au 1er janvier 2012. Nouveau cadeau pour l’UNOCAM (regroupant les organisations de la complémentaire santé, assureurs, instituts de prévoyance et mutuelles). Des études, notamment de l’Irdes, montrent bien que même l’augmentation des personnes couvertes par une complémentaire santé n’entraînent pas une diminution des inégalités sociales de santé puisque de 25 à 36 % (suivant les études, 36% est le chiffre avancé par l’étude du CISS réalisée par Viavoice) d’assurés sociaux qui font de la renonciation de soins pour des raisons financières.
LES FONDS DE PENSION A L’HONNEUR DU PLFSS 2011
Ainsi, le projet de réforme prévoit que la moitié des sommes perçues par un salarié au titre de la participation aux résultats de l’entreprise sera, sauf avis contraire dudit salarié, obligatoirement versée sur le plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco). Les députés UMP ont étendu cette mesure à d’autres formes de capitalisation qui bénéficient d’avantages fiscaux : le plan d’épargne retraite d’entreprise (Pere) et le plan d’épargne retraite populaire (Perp). Enfin, pour renforcer l’attractivité de la retraite par capitalisation, le secrétaire général de l’UMP, Xavier Bertrand, est coauteur d’une mesure qui permet une sortie en capital, certes limitée à 20 % de l’épargne, lors du départ en retraite (Politis 23 septembre).
QU’EN EST-IL DE LA BRANCHE FAMILLE DU PLFSS 2011 ?
Bien que la branche soit dotée de 400 millions supplémentaires par rapport à l’année dernière, nous ne pouvons pas accepter les deux mesures d’économie proposées chiffrées à 240 millions d’euros (État, CNAF) pour la première et à 64 millions d’euros (CNAF) pour la seconde.
- L’une concerne la suppression de la rétroactivité de trois mois précédant la demande d’une aide au logement (APL, ALS, ALF) si le demandeur remplissait les conditions d’octroi de l’aide. Voir le communiqué de l’UFAL à ce sujet3
- La deuxième mesure, de même ordre, portait sur l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), fixant le versement de cette allocation au premier jour du mois civil suivant la naissance ou l’arrivée au foyer de l’enfant et non plus à compter du jour de la naissance ou de l’arrivée de l’enfant.
Comme l’a remarqué à juste titre l’Union nationale des associations familiales (UNAF) pour s’opposer à ces dispositions, les prestations concernées étant des prestations sous condition de ressources, ces mesures vont exclusivement pénaliser des familles à revenus modestes, voire très faibles. L’effort demandé n’est donc pas équitable.
Heureusement, les députés n’ont pas suivi Mme Morano concernant la PAJE. Souhaitons que la mesure ne revienne pas dans la suite de la discussion parlementaire
Bien évidemment, là comme ailleurs, rien n’est fait en partant des besoins et d’une étude socio-démographique. Le retard en centaines de milliers de places de crèches collectives et familiales, de classes maternelles (104.000 supprimées depuis le début du siècle), l’injustice que le premier enfant ne bénéficie pas d’allocations familiales, le refus de la double modulation de l’allocation de rentrée scolaire (ARS en fonction de l’âge mais aussi du type de filière utilisée), le refus d’étudier le salaire socialisé à l’enfant et au jeune en remplacement des allocations familiales de la naissance au premier emploi stable, tout cela devrait être inscrit dans un plan pluriannuel dans les PLFSS. Rien de tout cela aujourd’hui !
- Nous avons bien montré précédemment que la déformation de la répartition de la valeur ajoutée (ou dit autrement « modification de la répartition des richesses ») depuis 30 ans est par an de 9,3 points de PIB (186 milliards d’euros par an en euros 2010) au profit des profits et au détriment des salaires directs et socialisés. Rétablir la place du curseur salaires-profits comme il y a 30 ans est une condition nécessaire pour régler le « trou de la Sécu construit et fabriqué ». [↩]
- Les ARH puis les ARS organisent la privatisation des profits dans le privé et la socialisation des pertes dans le public par une tarification honteuse de la tarification à l’activité (T2A) augmentant les tarifs pour les pathologies suivies majoritairement dans les cliniques privés à but lucratif pour les actionnaires et baissant celles qui sont majoritairement suivies dans le public. [↩]
- Ajoutons que :
– les aides au logement ont parfois, souvent du mal a être convenablement traitées dans les temps par la branche Famille, certains dossiers pouvant aller jusqu’à 7 mois d’instruction,
– les aides au logement sont particulièrement complexes, difficilement compréhensibles par les familles et posent régulièrement la question de l’accès aux droits. Il ne s’agit pas de revenir au délai de 2 années de rétroactivité appliquée par la branche il y a quelques années. [↩]