Remboursement des séances de psychologues annoncé par le président Macron : la générosité apparente cache une nouvelle attaque contre la Sécurité Sociale
Le 14 avril Emmanuel Macron a annoncé le remboursement de dix séances de psychologues pour les enfants et les adolescents. Derrière cette annonce se cache un projet plus vaste de modification substantielle de la prise en charge des consultations de psychologiques dans un contexte marqué par une progression dramatique, au sein de la population, des troubles psychiques liés à la crise sanitaire et aux mesures liées à l’état d’urgence sanitaire, notamment le confinement.
Le 23 octobre 2019, Olivier Véran, alors rapporteur du projet de budget de la sécurité sociale pour 2019, estimait qu’il faudrait « davantage s’appuyer sur les psychologues » pour pallier la pénurie de psychiatres hospitaliers.
Que se cache-t-il derrière une telle annonce ?
Une avancée vers une meilleure prise en charge ou au contraire. Ou un nouveau coup porté à la Sécurité sociale ?
Essayons d’y voir plus clair
En premier lieu nous observons que la santé mentale de la population, sujet pourtant essentiel, est l’occasion d’un nouvel affrontement entre l’assurance maladie et les complémentaires santé.
D’un côté, la CNAM a lancé une expérimentation de remboursement partiel des séances de psychologues dans 4 CPAM de l’hexagone. Il s’agit de rembourser les séances de psychologues libéraux prescrites par un médecin traitant dans la limite de 22 €.
D’un autre côté, et sans attendre la fin de l’expérimentation de l’assurance maladie, les mutuelles de la FNMF et les institutions de prévoyance ont d’ores et déjà annoncé qu’elles rembourseraient, dès le premier euro, des séances de psychologues indépendamment de tout remboursement par la Sécurité sociale. Les complémentaires semblent très promptes à faire de ce nouveau domaine de remboursement un nouveau créneau réservé de prise en charge des soins qui accélérerait la concurrence entre assurance maladie et assurance complémentaire et derrière elle, l’existence d’une santé à deux vitesses. Ce qui est déjà le cas dans le domaine de l’optique et du dentaire.
De deux choses l’une : soit l’accès aux consultations de psychologues relève d’un enjeu central de santé publique, auquel cas son remboursement doit reposer sur l’assurance maladie obligatoire et les honoraires des praticiens doivent relever d’une négociation conventionnelle avec l’assurance maladie. Soit, il s’agit de soins de confort, auquel cas les mutuelles et autres complémentaires peuvent prétendre à leur remboursement, mais alors un tel dispositif ne saurait être financé par les cotisations sociales ou les impôts de l’ensemble des français.
Pour mémoire, jusqu’alors pour les adultes ce n’est que dans certains cas que les séances de psychologues peuvent être remboursées par la Sécurité Sociale. Il faut pour cela que le patient consulte un psychologue à l’hôpital ou en CMP (Centre Médico-Psychologique). Au sein d’un de ces seuls établissements publics, la consultation est remboursée à 100 % par la Sécurité Sociale. Mais, pour être remboursé, le patient doit respecter le parcours coordonné de soins qui implique donc d’avoir une prescription médicale du médecin traitant pour bénéficier du remboursement par l’assurance maladie. Les psychologues libéraux exerçant au sein d’un cabinet privé ne sont pas remboursés, sauf dans les 4 départements expérimentateurs.
En ouvrant la possibilité de remboursement de séances de psychologues pour les jeunes de 3 à 17 ans, le gouvernement instaure une curieuse exception au parcours de soins coordonnés. Ces séances seront remboursées à 100 % par l’Assurance Maladie. Les parents des jeunes patients se rendront sur une plateforme dédiée pour ouvrir le forfait et trouver un psychologue référencé sans que cette consultation ne relève d’une prescription médicale. Cette exception sera-t-elle la règle en matière de soins psychologiques ? Si tel est le cas, pourquoi réserver cette dérogation aux seuls psychologues ?
Nous voyons en réalité en creux l’intention du Gouvernement et de ses députés de droite : puisque l’Etat ne forme plus assez de médecins psychiatres remboursés, car conventionnés par la Sécurité Sociale, et puisque le Gouvernement n’envisage nullement de résoudre la clochardisation patente des établissements psychiatriques soumis depuis des décennies à un manque cruel de moyens, il faut contourner le problème en le reportant sur des psychologues libéraux.
- L’UFAL s’interroge sur le montage qui permettra la couverture financière de ces séances dans un contexte de réduction permanente des cotisations sociales affectées à la Sécurité sociale et d’accroissement constants de déremboursements ? Car la générosité des complémentaires a un coût qui pèse lourdement sur l’ensemble des Français. Une nouvelle taxe va-t-elle être créée ou bien est-il envisagé de reconduire la taxe Covid sur les cotisations aux complémentaires santé, au prix d’une augmentation des cotisations de l’ensemble des Français ? Pour l’heure, la question reste en suspens.
- L’UFAL dénonce les annonces d’apparence généreuse qui ne sont qu’un nouveau moyen trouvé pour affaiblir la Sécurité Sociale dans le rôle de conventionnement unique des filières de soins.
- L’UFAL déplore aussi que pour les enfants et les adolescents les annonces du chef de l’État et de son gouvernement ne soient qu’un nouveau transfert de moyens de la médecine publique vers le paramédical libéral.
- L’UFAL réprouve cet encouragement par le gouvernement de la création pour les adultes d’un étage de protection sociale obligatoire au-dessus de la Sécurité Sociale et financé par les seules cotisations aux OCAM (Organisme complémentaire d’assurance maladie).
Autre question subséquente : quels sont les praticiens dont les factures seront prises en charge par l’Assurance Maladie ?
Espérons au moins que les pouvoirs publics se cantonnent à réserver le remboursement de l’assurance maladie aux seuls psychologues diplômés d’Etat et non aux consultations de professionnels dont les pratiques, parfois douteuses, ne sont sanctionnées par aucun diplôme d’État ou contrôle de la déontologie.
Bref, cette histoire de remboursement des séances de psychologues n’est qu’une nouvelle étape de la stratégie de cantonnement de l’assurance maladie à son rôle d’assureur du gros risque. Alors que les soins de médecine de ville ou hospitaliers sont comprimés par la réduction de l’offre et par les politiques de gestion comptable, il suffira de laisser les OCAM se positionner sur les créneaux de santé plébiscités par les classes moyennes aisées des centres urbains et exercés en cabinet. Au prix d’une hausse probable des cotisations des OCAM qui se répercutera directement sur le budget des ménages.