Les fondamentalismes, complices du néolibéralisme
Colloque . Les Rencontres laïques internationales, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), ont insisté sur la conjonction entre combat laïque et combat social.
Pour eux, c’est une certitude, le curé ne pourra jamais remplacer l’instituteur. Réunis tout le week-end à Saint-Denis, des militants de la gauche laïque venus de dix pays ont vivement dénoncé les tentatives de reprise en main du politique par le religieux. Un mouvement encouragé, à leurs yeux, par des thuriféraires de l’ultralibéralisme prompts à abandonner aux fondamentalistes les terrains sociaux sinistrés par le recul de l’État. « Dans la phase actuelle du capitalisme, une alliance s’est nouée entre les ultralibéraux et les intégristes de tous bords, contre les droits des peuples », a souligné, en ouverture, Horria Saihi, militante de l’UFAL 93 et organisatrice de l’initiative.
Cette cohérence est incarnée, en France, par les discours antilaïques de Nicolas Sarkozy. « L’égalité, l’universalité des droits sont la cible de la droite et de son projet de confessionnalisation et de communautarisation de la société française », a analysé Pascale Le Néouannic, du Parti de gauche. Militant du MRAP dans les Landes, Gérard Kerforn a lui aussi mis en garde contre le projet sarkozyen de balkanisation de la société française, assimilée à un conglomérat de communautés monnayant chacune ses revendications particulières. « Cette vision est dangereuse pour le métissage comme pour les valeurs universelles », a-t-il affirmé. D’autant plus dangereuse qu’elle invoque la « tolérance » pour justifier des politiques com- munautaristes. La Britannique Mariam Namazie, de la Campagne contre la charia (loi islamique), a vivement critiqué, sur ce point, l’attitude de la gauche « multiculturaliste », accusée d’entretenir un « relativisme culturel » qui, au final, rejette les migrants et leurs enfants dans un ghetto. C’est ainsi qu’une femme de confession musulmane s’est vu refuser, en Allemagne, l’enregistrement de sa plainte pour violences conjugales, le magistrat en charge du dossier lui opposant les normes supposées de sa « communauté ».
Si l’angélisme d’une partie de la gauche a été abondamment critiqué, Marieme Helie Lucas, de l’ONG Women under Islamic Law (Femmes sous la loi islamique), a également mis en garde contre la tentative de « certains courants de droite et d’extrême droite d’instrumentaliser le mouvement laïque » contre les citoyens de confession musulmane. « Notre combat est indissociablement laïque, social et antiraciste. Nous ne sommes pas de ceux qui instrumentalisent la laïcité contre une partie de la population », a insisté Horria Saihi. Aucune religion, d’ailleurs, n’échappe à ce phénomène d’expansion des intégrismes. L’Indien Harsh Kapoor, du mouvement South Asian Citizen’s Web, l’a rappelé en exposant la stratégie des extrémistes hindous, « infiltrés dans tous les secteurs de la société indienne et de la diaspora ».
L’enjeu du combat laïque, dans un tel contexte, est celui de l’émancipation. « Seule la séparation radicale du politique et du religieux peut permettre à l’État de droit d’émerger et à la société de se libérer de ses chaînes », a insisté l’Algérien Moulay Chentouf, du Mouvement démocratique, social et laïque (MDSL). Venues nombreuses, des féministes ont rappelé combien cette séparation est cruciale pour les droits des femmes. « Aucune religion n’admet le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes, a jugé l’écrivaine bangladaise Taslima Nasreen. Seule la sécularisation des sociétés peut donc garantir cette égalité. » Une sécularisation qui fait l’objet d’une lutte acharnée entre laïques et fondamentalistes. Pas seulement dans les pays du Sud. De l’activisme des créationnistes américains à celui des tenants d’une Europe chrétienne, les militants laïques ont du pain sur la planche.
Rosa Moussaou