Il faut signer cette pétition pour protester contre la tendance actuelle à limiter la psychopathologie aux savoirs médicaux établis (catégorisations, traitements chimiques, hospitalisations brèves et TCC) sans réelle prise en compte du « patient » vivant en milieu ordinaire.
La formation des soignants en psychiatrie.
Pour combattre le risque de dérive d’un discours expert, d’une inflation de protocoles et de procédures concernant les droits du malade, la formation clinique doit intégrer d’autres approches : l’anthropologie, la psychanalyse, la psychothérapie institutionnelle, l’éthique et la philosophie. Le débat devrait davantage porter sur la personne humaine considérée comme libre et vivant avec nous plutôt que de se limiter au soin. La relation thérapeutique au cours de l’annonce de la maladie, lors du recueil du consentement du soigné, lors de l’accès au dossier médical, pendant les programmes de psychoéducation, et lors du suivi au long cours, suppose l’abandon de la culture du secret face au malade, auquel les soignants n’ont pas été préparés. La liberté de parole de la personne souffrante peut être mal vécue par les soignants, convaincus de détenir la Vérité, et désireux d’aider, même lorsque le malade n’est pas un « bon pauvre, méritant, proche et contrit ».
Questions fondamentales auxquelles sont confrontés les soignants :
- qui définit le bien du « patient » ? ses besoins sont-ils réels ou supposés ? le soin crée-t-il une dépendance sociale pire que la maladie ?
- pourquoi certaines personnes refusent-elles les soins ? leur reconnaître ce droit est-il une façon détournée de leur attribuer l’entière responsabilité de leurs troubles, de dédouaner le médecin ?
- la personne est-elle vraiment libre de refuser le soin ou placée sous contrainte : idéologie sécuritaire de l’injonction de soin, prison, pressions familiales ?
- à quelles conditions déclarer qu’elle est incapable de juger de son bien : mauvais raisonnement, peur de la maladie, manque d’expérience, appartenance sectaire ?
- comment définir l’urgence : où commence-t-elle, quels sont les risques d’irréversibilité, d’atteinte vitale ?
Ce questionnement est important en psychiatrie parce que la maladie chronique est irrégulière dans ses manifestations. Elle ne devrait pas stigmatiser durablement la personne, pas plus qu’une autre maladie. Le « patient » doit être considéré comme un citoyen qui a le droit d’accéder librement à des soins de qualité, effectivement présents dans son environnement.
Signature : Claude Jacquet
Pétition contre la suppression d’un enseignement d’anthropologie clinique à l’Université de Paris X Nanterre
A l’Universite de Paris-10 Nanterre, la formation professionalisante « Psychologie Clinique et Psychopathologie » s’est trouvé amputée du déjà trop maigre enseignement d’anthropologie clinique et psychanalytique qu’assuraient jusqu’alors Jean-Baptiste Fotso-Djemo et Olivier Douville, tous deux enseignants titulaires reconnus comme de bons spécialistes de cette question par leurs publications, leur travail de terrain ou leurs communications scientifiques en Europe comme un peu plus loin ailleurs. Cette décision de suppression, prise sans aucune concertation par le responsable de la psychologie dite « clinique » (Jean-Michel Petot) et annoncée par un simple couriel confirme une accentuation idéologique inquiétante dans le parcours d’enseignement de la « psychologie clinique ». C’est aussi que la section psychologie « clinique » à Paris 10 utilise et détourne le signifiant « clinique », laquelle est devenue très rapidement un concentré d’enseignements dévolus aux dites nouvelles cliniques (celles qu’on déduit des DSM) et aux nouvelles psychothérapies (qu’on pourrait ranger sous la bannière P.T.S.P. – psychothérapies : tout sauf psychanalyse). On voit très bien l’anthropologie et la psychologie « new-look » qui découlent – sans dire leur nom – de ce genre d’idéologies : « l’homme » est déclaré neuronal et comportemental, il ne souffre que de quelques défauts d’adaptation au réalisme ambiant. On comprend pourquoi les enseignements d’anthropologie clinique que nous donnions sont indésirés, redoutés, encombrants. Cette mise au ban ne peut s’expliquer que par la volonté d’empêcher les étudiants d’acquérir une culture anthropologique véritable qui les équiperait d’un regard critique sur la promotion de ce nouveau typus psycholgicus, l’homme hypermoderne désubjectivé ou déshumanisé s’adaptant à tout grâce à une prescription comportementale journalière. Cette suppression d’enseignement montre à vif une antipathie des discours et des conceptions de l’homme qu’abritent d’une part la culture psychodynamique psychanalytique et, d’autre part, et à l’opposé, le management psychologique en vogue. C’est à ce titre que nous tenons à porter à votre connaissance ce passage à l’acte révélateur, comme on dit, de l’ « air du temps ». Nous sommes prêts à réagir avec qui veut défendre, aujourd’hui, dans nos institutions de soin et d’enseignement, une conception anthropologique fondamentale du fait psychique et du fait clinique. Olivier Douville (Maître de conférences à l’Université P.10 Nanterre, Membre fondateur de l’A.R.A.P.S. -Assocation Rencontre Anthropologie/psychanalyse, Directeur de publication de Psychologie Clinique, douvilleolivier@noos.fr) et Jean-Baptiste Fotso-Djemo (Maître de conférences à l’Université P.10 Nanterre)
Signataire : Douville Olivier douvilleolivier@noos.fr