Couronnement du « casse » de la Sécurité sociale de 1945, le vote de la loi « dépendance » est reporté. Mais toutes les dispositions votées depuis 2002 (voire avant) continuent leur travail de sape pour individualiser, privatiser et limiter la couverture sociale étendue fournie par le système de répartition. Les incertitudes économiques rendent indispensable sa reconstruction. Qui aura le courage de reconstruire la Sécurité sociale au profit des familles, du nouveau-né au senior ?
Report de la loi sur la dépendance
Un recul pour le pire ou la recherche d’un consensus politique
Après François Fillon, le 24 août, Roselyne Bachelot confirmait le « report » de la loi sur la dépendance, « sans aucune mesure financière supplémentaire » pour les personnes âgées dépendantes dans le projet de loi de finances 2011 (Libé du 2 septembre 2011).
« Créer des prestations nouvelles, c’était assez inconséquent » compte tenu de « la crise financière mondiale que nous rencontrons », « Cette réforme… est reportée ».
Au contraire de la contre-réforme des retraites, la prise en charge de la « dépendance » était l’une des mesures phares du programme de M. Sarkozy en 2007.
Dès la publication des décrets permettant l’application de la loi sur les retraites qui avait mobilisé contre elle des millions de salariés, un décret de la Saint-Sylvestre 2010 convoquait quatre commissions de concertation pour préparer une loi sur la « dépendance » à soumettre au parlement au premier semestre 2011. Environ 200 hauts fonctionnaires, syndicalistes, experts, élus, dont les travaux devaient être publiés au printemps.
Pourtant, la loi sur la dépendance a été reportée « sine die ». Résultat des élections cantonales désastreuses pour les partis au gouvernement ou celui de la crise financière mondiale qui déferle sur les bourses, les banques et les assurances ?
Effet de l’inquiétude généralisée des « petits porteurs » et des familles qui s’inquiètent pour la valeur de leur épargne ou crainte de perdre les élections de 2012 ?
L’UFAL appelle à la plus grande vigilance car l’État, les banques et assurances privées ont plus que jamais un urgent besoin de se « refaire » de leurs pertes boursières en puisant légalement dans l’épargne de précaution des familles, dans les cotisations et prestations sociales héritées du développement de la Sécurité sociale. D’autant que la simple application des « réformes » depuis 2002 contribue déjà grandement à l’érosion de cet héritage et à l’accroissement du budget santé des familles.
Aucune « règle d’or » instaurée par des instances internationales irresponsables devant le peuple français n’a mandat pour piller le fruit du travail, l’épargne des familles, le produit des impôts et des cotisations sociales. Toute la lumière doit être faite sur les responsables des prêts et des dettes imputées par la grande presse à l’État français.
S’il faut choisir, le rôle protecteur de l’État républicain doit bénéficier aux familles avant de bénéficier aux plus riches, aux mieux informés et à ceux qui bénéficient du travail d’autrui et de la spéculation foncière.
Cet article constitue un outil pour que toutes les associations UFAL se mobilisent contre toute mesure réduisant la prise en charge publique ou par la Sécurité sociale de la « perte d’autonomie » à l’occasion de la discussion du budget et du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2012.
Une alternative existe à la régression sociale préparée par le gouvernement
La prise en charge des personnes en perte d’autonomie, qui comprend les personnes en situation de handicap, doit relever des principes de la solidarité nationale. La reconnaissance d’un droit universel à une prise en charge à 100 % de la perte d’autonomie a vocation à être assurée par la Sécurité sociale. Le système doit être obligatoire, universel et solidaire, offrir une égalité de traitement et d’accès sur tout le territoire. Il doit s’appliquer sans condition d’âge ni de ressources, les prestations fournies doivent être déconnectées de la contribution financière. Il doit être financé par tous les assurés sociaux et tous les revenus, sur le double principe d’une amélioration des conditions économiques et sociales de production des richesses et d’une meilleure répartition des richesses produites. L’UFAL refuse l’individualisation et le recours aux assurances privées qui ne peuvent que générer d’importantes inégalités.
Les aidant-es familiaux ne doivent plus être des « obligés ». Il faut permettre leur remplacement progressif par des professionnels assortis d’un statut.
Le secteur des services d’aide à la personne représente un fort potentiel de création d’emplois. Mais il y règne une grande précarité avec des emplois déqualifiés, des employeurs multiples, une prédominance du temps partiel et de bas salaires. À l’opposé de ce qui existe, il faut développer une filière professionnelle qualifiée, avec des emplois stables, à temps plein, qui ont vocation à s’adresser aux hommes comme aux femmes. Le cadre du service public doit permettre d’harmoniser et d’améliorer les conditions d’emploi et de rémunération de tous les personnels travaillant dans les diverses structures (associatives, municipales, régionales, nationales), et d’offrir une palette de services répondant aux différentes demandes. Sur la base de ces principes, nous souhaitons contribuer à mettre en œuvre une large convergence des forces sociales pour peser dans le débat public et avancer vers une société solidaire. La prise en charge de la perte d’autonomie est une question qui dépasse celle du financement.
Autres arguments et prévisions
1. Les prédictions d’augmentation de la population au-delà de 2040 supposeraient que la natalité des années 60 et au-delà, resterait au niveau de celle de 1945-1960, ce qui est archi-faux. Au contraire, le nombre de naissances a diminué et légèrement augmenté ensuite du fait de la croissance globale de la population française… la baisse des prestations sociales aux mères et à la petite enfance, comme l’accroissement déjà constaté de la mortalité péri et post natale risquent surtout de réduire rapidement le taux de natalité au niveau de ceux constatés en Italie ou en Allemagne.
2. La capitalisation forcée des retraites est un véritable vol de cotisations sociales, partie du salaire que le salarié accepte de ne pas percevoir pour l’abonder dans un souci de solidarité dans le mécanisme de la répartition. La simple honnêteté voudrait que les salaires versés soient alors augmentés du montant des cotisations vieillesse en cas d’assurance retraite individuelle. Alors que la solution la plus simple serait de déplafonner les cotisations alors collectées sur la totalité des salaires et primes versés, de la manœuvre au dirigeant, y compris pour les heures supplémentaires et le temps partiel forcé.
3. La récupération des dépenses en fin de vie sur les enfants est profondément inégalitaire et injuste. Elle ne doit pas exister dans le cadre de la Sécurité sociale, car il s’agit d’une épargne sur les salaires et les prestations dues au salarié et à sa famille pendant sa vie en sus de ses cotisations « retraite ». C’est de nouveau un véritable vol et une rupture de contrat.
4. La rupture de la solidarité intergénérationnelle. Malgré l’application des « retraites Balladur » maintenues par Jospin, un grand nombre de parents pouvaient contribuer à la garde de leurs petits-enfants et s’occuper au moins partiellement de leurs propres parents en fin de vie et autres prestations familiales en nature. Ceci réduisait d’autant les besoins insatisfaits en matière de crèches, de soins et d’accueil de personnes âgées.
Avec le report des naissances au-delà de 30 ans pour les femmes, l’arrivée plus tardive des jeunes dans la vie active cotisante, l’allongement des carrières nécessaires pour une retraite à taux plein et la baisse du « rendement » des retraites, les parents disposeront de beaucoup moins de temps et d’argent pour prendre en charge leurs petits-enfants et parents sans pouvoir espérer être pris en charge par leurs enfants !
La solution la moins anti-sociale serait de construire sans tarder des millions de places en crèches, en maisons de retraite et de former des centaines de milliers de personnels nécessaires, et ce dans le secteur public. La solution la plus simple, la plus rapide et la plus sociale est de revenir aux retraites d’avant Balladur, et ce dès 2012.
Soins médicaux et dépendance des personnes âgées – les dépenses :
Actuellement, les dépenses sont les suivantes :
– 17 milliards par la Sécurité sociale sous contrôle de l’État, puisque depuis la nouvelle loi HPST Hospitalisation, Patients, Santé, Territoire de juillet 2009, la Sécurité sociale passe sous l’autorité directe de l’État. Pendant que les agences régionales de santé centralisent le rationnement des établissements de santé.
– 5 milliards par les départements au titre principalement du versement de l’allocation prestation autonomie (ce que les élus contestent vivement).
Soit un total de 22 milliards d’euros estimé à 30 milliards en 2025.
Vieillissement et perte d’autonomie :
Les départements formulent des propositions pour relever le défi de la dépendance
Le 20 mai 2011, l’Assemblée des départements de France (ADF) a présenté la synthèse de ses travaux sur la perte d’autonomie de l’ensemble des conseils généraux et des acteurs concernés.
Les conseils généraux, gestionnaires de la Prestation de compensation du handicap (PCH) et de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA), au titre de la solidarité nationale, sont parmi les premiers concernés par la réforme du financement de la perte d’autonomie.
En raison de la compensation insuffisante par l’État des dépenses réelles lui incombant en droit, en 2010, le manque à gagner pour les départements s’élevait à plus de 5,4 milliards d’euros.
L’État doit rembourser les dettes résultant de la non-compensation des charges reportées unilatéralement sur les départements (RSA, transferts d’agents de l’État…).
Pour L’ADF, le financement de la perte d’autonomie doit reposer sur un financement public, fondé sur une double mobilisation de la solidarité :
– une imposition nationale complétée par des ressources fiscales locales : l’État doit porter le financement national de l’allocation universelle de solidarité à la moitié des dépenses réellement exposées par les départements,
– une prise en charge accrue du « reste à charge » en EPHA,
– une meilleure aide à domicile.
Face à ces urgences, le report de la réforme est une très mauvaise nouvelle pour les départements de France.
Selon leur Président : « avec un “reste à charge” des patients qui ne cesse de progresser, une qualité d’encadrement dans les établissements mise à mal, faute de moyens, et des services d’aides à domicile toujours aussi fragiles financièrement, les familles sont désemparées et ne savent plus à qui s’adresser. Les conseils généraux sont eux-mêmes désemparés face à cette situation. Ils ne disposent plus aujourd’hui des moyens suffisants pour faire face au désengagement continu de l’État dans le financement des allocations individuelles de solidarité dont l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) fait partie. (…) ils ne seront bientôt plus à même de remplir leur mission de solidarité à l’égard des Français »
Comment la société entend-elle assurer une vie digne aux personnes ne possédant pas leur totale autonomie, qu’il s’agisse des personnes âgées, en invalidité ou en situation de handicap, et répondre à leurs besoins ?
La majorité de ces personnes expriment notamment le désir de vivre à domicile, ce qui ne se fait actuellement qu’au prix d’une lourde contribution fournie par plus de 4 millions de proches, les aidant-es, qui sont en très grande majorité des femmes.
Améliorer l’autonomie des uns ne peut pas se faire au détriment de l’autonomie de leurs proches. Les pouvoirs publics locaux et nationaux doivent donc organiser les conditions d’exercice d’une solidarité nationale effective permettant réellement de décharger l’entourage, en le remplaçant progressivement par des professionnels qualifiés dont il faudra créer, financer à des taux corrects et pérenniser les emplois. Dans l’immédiat, des mesures doivent être prises pour répondre à l’urgence de la situation d’épuisement des aidant-es.
À l’opposé de ce qu’envisage cyniquement le gouvernement, la « solidarité familiale ». Le travail informel ne peut pas être considéré comme une solution de substitution à la solidarité nationale. De même, ne peuvent pas être considérés comme des solutions les projets qui consistent à octroyer une « compensation monétaire » aux aidant-es familiaux (de toute façon insuffisante). C’est un enjeu pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Contre l’assurance individuelle et le modèle américain
L’assurance individuelle représente un vol des cotisations sociales et des impôts. Il est une rupture fondamentale avec le concept de Sécurité sociale pour aboutir à un individualisme où l’autre n’existera plus, à une dislocation de la cohésion sociale, à une inégalité médico-sociale grandissante et à un démantèlement de la Sécurité sociale ainsi qu’à un retour des grands problèmes de santé publique (ex. : tuberculose).
Ce modèle américain est d’ailleurs refusé jusqu’aux frontières des USA : au Canada !
En France, il s’agit de :
– substituer une assurance individuelle obligatoire à l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) et faire cotiser tout le monde à partir de 40 ou 50 ans à une assurance dépendance avec une participation forfaitaire de 30 euros par mois. Ainsi, les plus pauvres, en proportion, seraient amenés à cotiser plus. La cotisation unique est tout à fait injuste et les assureurs privés ne couvrent que l’incapacité totale. Ils trouvent toutes sortes de raisons pour éviter de payer des rentes (ex. : délai de carence porté à 180 jours pour certaines assurances – c’est-à-dire aucune prestation pendant 6 mois.)
– avoir recours sur succession pour les bénéficiaires de l’APA si le patrimoine représente plus de 10 000 euros. Il s’agirait de ce fait d’une prestation d’aide sociale avec un accroissement des inégalités. Les plus riches pourraient prendre des « super-assurances » pour laisser tout le patrimoine à leurs enfants et petits enfants.
– dans un premier temps, supprimer l’APA pour les personnes qui commencent à être en situation de dépendance et qui ont besoin de soutien modéré.
L’assurance individuelle est une idée anti-sociale. C’est le début de la privatisation de la Sécurité sociale et l’officialisation du démantèlement du système collectif. Elle est chère et moins efficace : les charges de gestion de la Sécurité sociale sont de 6 %, celles des assurances privées de 15 % à 25 %.
La Sécurité sociale est là pour assurer le bien-être collectif et la sécurité sanitaire et sociale de chacun d’entre nous. Les assurances privées sont liées aux banques, font des bénéfices et sont cotées en Bourse. Leurs objectifs ne sont que financiers.
L’espoir de marchés privés juteux
Un million des plus de 85 ans et seulement 600 000 places dans les institutions. Alors, on comprend que les maisons de retraite peuvent tout se permettre.
Une fois les investissements immobiliers amortis, le taux de rentabilité dépasse facilement les 25 % et c’est quand même pas mal… 25 % pour les actionnaires. Une demi-douzaine de grands groupes écument désormais le marché et alignent des bénéfices hauts comme ça : ceux de Medidep 12,4 millions d’euros, ont été multipliés par 10 depuis 1998 ; et des cours en bourse sont dopés à la cortisone. Les actions d’Orpea, la société de Jean-Claude Mariand n’ont-elles pas doublé en moins d’un an ? Pas étonnant que les investisseurs se précipitent dans le créneau comme des oursons sur un pot de miel ! Le fonds de pension britannique « Bridge Point » n’a par exemple pas hésité à flamber 330 millions d’euros en 2003 pour mettre la main sur Medica France, c’est très rentable !
LES PROPOSITIONS DE L’UFAL
en ce qui concerne la prise en charge de la perte d’autonomie
Les études objectives montrent que :
– la dépendance est liée à la maladie, pas à l’âge.
– rien ne prouve que l’espérance de vie continue d’augmenter au rythme observé depuis 1945 : le classement de la France ne progresse plus et celui des USA ne cesse de reculer. Pour ces derniers sous l’effet d’un rationnement draconien, de la privatisation et de la hausse du coût des soins.
– la plupart des maladies source de dépendance et « liées à l’âge », peuvent faire l’objet de politiques de prévention beaucoup plus efficaces qu’actuellement.
– la durée de perte d’autonomie en fin de vie est une constante qui ne dépend pas essentiellement de l’âge, mais beaucoup des conditions sociales.
– la politique d’individualisation et de privatisation des « risques » est très coûteuse au seul profit des intermédiaires financiers : assurances, fausses mutuelles et banques.
– les assurances et fausses mutuelles individuelles ou collectives ne reversent qu’une part beaucoup plus faible des cotisations en prestations que la sécurité sociale, part qui serait encore réduite par une surtaxe de 7 %, « un impôt sur la maladie », selon La Mutualité Française.
– les politiques de développement de l’emploi par le secteur privé et les privatisations ont été un échec total, un gaspillage de l’argent public et un développement de la précarité de l’emploi.
– les Agences régionales de santé (ARS) ont à ce jour échoué à développer l’offre de soins et ont au contraire renforcé le transfert de l’offre du public vers le secteur privé.
– les femmes supportent l’essentiel de la charge des soins au domicile.
En conséquence, pour l’Union des FAmilles Laïques :
– il faut prendre en compte tous ceux qui ont besoin de la solidarité pour garder et développer leur autonomie (handicap, dépendance).
– la perte ou la réduction d’autonomie doit être gérée et prise en charge à 100 % par l’assurance maladie et non considérée comme un 5e risque à financement séparé,
– l’État doit revenir à une gestion globale des risques de la vie et organiser le retrait des acteurs privés de ce secteur : on ne fait pas de l’argent avec le sang et la santé des hommes et des femmes de ce pays.
– l’État doit rendre aux collectivités locales les moyens financiers, en formation et en personnels statutaires pour construire sur tout le territoire un système public d’établissements adaptés et cesser une politique coûteuse d’investissement foncier privés dans ce secteur .
– il faut refuser la « reprise sur héritage » qui spolie les familles du fruit du travail et conduit souvent les « anciens » à se sacrifier au profit de leur descendance,
– il faut refuser le principe de l’assurance individuelle obligatoire et complémentaire privée.
– l’État, à tous ses niveaux, doit renouer avec une politique active de développement de l’emploi, notamment en faveur des services publics, de l’aide à la personne, du secteur medico-social et de la titularisation des emplois précaires : seul l’emploi crée des richesses à répartir !
– l’État doit mettre en place et renforcer un réseau national public de formation et de qualification des personnels intervenant en cas de perte d’autonomie, afin d’alléger et/ou de qualifier les tâches des intervenants familiaux.
L’UFAL est signataire des Exigences citoyennes sur la prise en charge de la perte d’autonomie avec : Attac, fondation Copernic, ac !, CNDF, confédération paysanne, EELV, Fase, femmes égalité, femmes pour le dire-femmes pour agir, gauche unitaire, les alternatifs, marches européennes, NPA, PCF, PCOF, parti de gauche, république et socialisme, résistance sociale, Union syndicale solidaires, UNRPA.