Alors que la France est encore étourdie après une réforme des retraites injuste et inhumaine, le gouvernement vient d’annoncer que le remboursement des soins dentaires par l’Assurance maladie serait prochainement réduit.
Actuellement remboursés par la Sécurité sociale à hauteur de 70 %, les soins dentaires ne seront plus remboursés qu’à 60 % à compter du 1ᵉʳ octobre 2023. Le gouvernement assure qu’il ne s’agira pas d’une économie nette et que les sommes économisées doivent renforcer la prévention bucco-dentaire. En effet, il s’agirait de réinjecter les 500 millions d’euros ainsi économisés dans des examens de prévention plus fréquents, notamment pour les enfants et les jeunes. Autrement dit, limiter l’accès aux soins dentaires pour renforcer la prévention bucco-dentaire. Triste paradoxe.
Comment ne pas être atterrés par cette nouvelle mesure de déremboursement ?
La prise en charge des soins dentaires est pourtant le véritable parent pauvre de notre système de soins. Le niveau de remboursement des soins est extrêmement faible et engendre un niveau de renoncement aux soins réellement préoccupant, et ce, malgré la mise en place du « reste à charge zéro » qui permet en théorie aux assurés couverts par la complémentaire santé solidaire ou par un autre contrat de complémentaire santé de bénéficier de prothèses dentaires totalement remboursées. En théorie seulement, car le reste à charge zéro a reporté le coût des soins sur les complémentaires santé, au détriment d’une prise en charge égalitaire par l’Assurance maladie.
Outre l’impact de cette mesure sur les cotisations des complémentaires santé, le reste à charge zéro entraîne dans les faits un effet de déplacement, car dans de nombreux cas, le dentiste peut imposer des prothèses facturées au niveau “tarif maîtrisé » ou « honoraire libre »dont la prise en charge par le couple sécurité sociale et complémentaire santé dépend du contrat de cette dernière. Souvent, le dentiste oublie de proposer une alternative thérapeutique comme l’impose pourtant le Code de la Santé Publique s’il considère que les prothèses plus onéreuses apportent un avantage au patient et à son profit commercial.
Dans les faits, de nombreux patients continuent de devoir acquitter plusieurs centaines d’euros pour des prothèses ou implants extrêmement coûteux et non inclus dans le panier de base du « reste à charge zéro ».
Les soins dentaires conservatoires (détartrage, traitement des caries) demeuraient le dernier champ de prévention bucco-dentaire majoritairement pris en charge par l’assurance maladie, à raison de deux consultations par an. Le déremboursement des soins va se traduire par un report de financement sur les complémentaires santé qui ont immédiatement annoncé qu’elles seraient contraintes d’augmenter leurs tarifs, ce qui conduira à une fragilisation économique des plus modestes. Plus grave, en créant un nouvel obstacle financier à l’accès aux soins dentaires, cette mesure va nécessairement conduire à une dégradation de la santé bucco-dentaire des plus modestes qui se traduira par un report de soins sur de lourds actes coûteux ou… par un renoncement pur et simple aux soins au prix d’une détérioration de l’état de santé général d’une partie de la population.
Les annonces d’un renforcement des examens de prévention sur les jeunes et les enfants n’est malheureusement qu’un effet d’annonce. Il s’agirait notamment de parvenir à une « génération sans caries ». Certes, l’objectif est louable et la formule est un bel exercice de communication.
Mais, la mesure de déremboursement va surtout toucher ici et maintenant des millions d’assurés qui nécessitent des soins conservatoires essentiels et réguliers, lesquels ne se cantonnent pas à des caries infantiles mal soignées. L’augmentation du coût des complémentaires santé, ainsi que les risques de renoncement aux soins, risque au contraire d’engendrer une dégradation de l’état de santé des personnes les plus fragiles.
Plus que jamais, l’Ufal en appelle à la création d’un la mise en place d’un régime universel, solidaire et égalitaire d’accès aux soins pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie, sans recours à des complémentaires santé qui doivent revenir à leurs missions prévues en 1945 de création de centre de santé et de prévention.