En février 2005, la réforme de la constitution de 1958 transforme « la garantie à tous de la santé » par « un attachement aux droits de l’homme ». C’était pour rendre notre constitution compatible avec le projet de constitution européenne (qui a connu le sort que l’on sait). Dans son article II-94, le TCE précisait, « L’Union reconnaît et respecte le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux ».
De « la garantie à tous de la santé » au « droit d’accès aux prestations de sécurité sociale », il y a plus qu’un glissement de sens anodin.
« La garantie à tous de la santé » oblige l’Etat à organiser le système de santé afin de soigner ET éviter les maladies. Le « droit d’accès aux soins » prend acte des soins existants, l’Etat s’engageant à ne pas laisser d’exclus des soins. Quant au « droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux », c’est bien le moins qui soit possible quand la sécurité sociale se rétrécit et les services sociaux disparaissent pour cause de restriction budgétaire (et n’existent pas dans tous les pays européens). Il y a aussi le « droit d’accès aux soins pour les plus démunis ». Il crée une discrimination « positive » perverse : mise en place d’un système de mesure obligatoire du taux de malchance d’être malade et vérification de l’incapacité d’y faire face. Dans le même temps, ça soulage la mauvaise conscience des biens pensants pas démunis, ça sert de repoussoir aux non discriminés pas encore démunis, tout en créant des tensions entre plus ou moins démunis. Ces tensions sont peu propices aux luttes communes. C’est une stratégie efficace pour privatiser le système de santé publique, marchandiser toujours plus la santé, paupériser de plus en plus de travailleurs et enliser toute action politique dans l’accompagnement social libéral.
Hors sujet cet édito ? Qui peut croire que les objectifs du TCE refusé ont été abandonnés ? Et il reste que notre constitution a été modifiée. L’attachement aux droits de l’homme peut se contenter d’accès aux soins des plus démunis ou/et d’un bouclier sanitaire instaurant un plafond des restes à charges proportionnel au revenu pour répartir équitablement l’effort des malades. Quant à « la garantie d’un accès aux soins à des tarifs opposables sur un territoire donné », c’est une des mesures du bouclier sanitaire (bientôt publié) ; c’est l’annonce de la fin des tarifs opposables et la légalisation des dépassements d’honoraires.
Hors sujet cet édito ? Parce qu’il y aura un (nouveau) plan cancer ? Bientôt et encore un ? Le dernier rapport Cancer des Académies de Médecine et des Sciences et du Centre International de recherche contre le Cancer (CIRC) fait scandale, parce qu’il minimiserait tellement les facteurs environnementaux que c’en devient un document de propagande, certainement pas un rapport scientifique.
Alors exigeons l’égalité d’accès aux soins de qualité et à la prévention, pour tous ! Exigeons le droit à un environnement de santé avec le minimum possible de facteurs de risques environnementaux.
Cela demande un pouvoir politique acteur, et contradicteur du pouvoir économique. Cela ne réduit pas la santé à une consommation de soins. Cela nécessite une assurance maladie universelle et solidaire.
« Qui peut le plus, peut le moins » ! Pour l’accès aux soins pour tous, luttons contre les franchises. Ce n’est qu’un début !