Le fiasco de la Convention d’objectifs et de gestion 2013-2017 signée entre l’État et la CNAF a été total puisque seulement 16 % de l’objectif de 275 000 nouvelles places d’accueil a été atteint (source HCFEA((Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge))), alors que les besoins recensés par les rapports officiels font état d’un manque de 500 000 places d’accueil !
Or, dans un rapport adopté le 13 février 2019, le Conseil de la famille du HCFEA recommande de lancer une politique de développement des structures adaptées aux enfants de 2 à 6 ans (jardins d’enfants, jardins d’éveil, classes passerelles) en fusionnant les trois dispositifs existants en une seule catégorie juridique nouvelle « afin de simplifier et clarifier les normes de ces structures qui doivent être adaptées aux besoins des enfants de 2 ans (par un ratio d’encadrement moindre, l’intervention de professionnels spécialisés petite enfance) et prévoir d’associer de manière régulière et pérenne le personnel enseignant de l’Éducation nationale au fonctionnement ».
Ces structures représentent aujourd’hui un peu plus de 10 000 places, soit moins de 3 % de l’accueil des jeunes enfants. Pourquoi vouloir les développer ? Elles coûtent 35 % moins cher qu’un établissement classique, notamment du fait des règles d’encadrement, et elles permettraient de compenser un autre fiasco, celui de la scolarisation précoce à deux ans, qui était de plus de 35 % de la classe d’âge entre 1980 et 2000 et qui a chuté régulièrement depuis pour se stabiliser entre 11 et 12 % depuis 2011.
Cela tombe bien, puisque l’article 50 de la loi du 10 août 2018 « pour un État au service d’une société de confiance » autorise le Gouvernement « à prendre par ordonnances toute mesure afin de faciliter l’implantation, le développement et le maintien de modes d’accueil de la petite enfance ».
Et voilà qu’il y a quelques jours, l’Assemblée nationale adopte un amendement au projet de loi « pour une école de la confiance » qui prévoit que « Par dérogation à l’article L. 131-2 du code de l’éducation, l’instruction obligatoire peut, au cours des années scolaires 2019-2020 et 2020-2021, être donnée aux enfants âgés de trois à six ans dans un établissement d’accueil collectif recevant exclusivement des enfants âgés de plus de deux ans dits « jardins d’enfants ». »
Non seulement ce projet de loi offre une manne évaluée à 150 millions d’euros à l’enseignement privé (à plus de 90 % confessionnel) en abaissant l’âge de l’instruction obligatoire à trois ans, mais il ajoute maintenant un loup dans la bergerie de l’école maternelle en autorisant des structures concurrentes dont le développement est encouragé dans d’autres sphères et qui relèvent pour partie du privé là encore. Et tout le monde sait bien ce que deviennent les dérogations lorsqu’elles servent à développer des acteurs qui compensent les carences publiques : elles sont pérennisées par une autre loi.
L’UFAL n’est pas dupe de ce qui se trame. De par son implication et son expertise dans la politique familiale et la défense de l’École républicaine, elle est particulièrement bien placée pour comprendre la logique des grandes manœuvres qui se déroulent au fil des projets de loi du Gouvernement.
En conséquence, l’UFAL demande :
- le retrait par le Sénat et en seconde lecture à l’Assemblée nationale de l’amendement autorisant une dérogation pour les jardins d’enfants à délivrer l’instruction obligatoire ;
- l’exemption du « forfait d’externat » payable par les communes et prévu par loi anti-laïque de 1959, dite « loi Debré », pour l’école maternelle ;
- la garantie que les mesures qui vont être prises par ordonnance pour développer l’accueil des jeunes enfants n’abaisseront pas le taux d’encadrement et la qualification requise pour les professionnels, et n’empiéteront pas sur les prérogatives de l’Éducation nationale.