Le vote de la réforme des retraites1 a passé sous un relatif silence une proposition initiale du Sénat, revue et corrigée par la commission mixte paritaire et entérinée par le 49-3 : le Contrat à Durée Indéterminée Seniors pour les chômeurs de plus de 60 ans, fruit d’un arrangement politicien qui fait bon marché des comptes de la Sécurité sociale et de sa branche Famille.
On pourrait se féliciter de cette soudaine sollicitude à l’égard d’une catégorie de salariés durement touchée par un « marché » du travail dérégulé. Ou que le Parlement ait voulu obliger le gouvernement à sortir de l’hypocrisie, dénoncée comme telle par le Président de la République lui-même, qui consiste à vouloir à tout prix rallonger le temps de travail quand les employeurs boudent, voire poussent vers la sortie, des seniors réputés coûteux et peu dociles.
Mais sous une apparente bienveillance, la réalité est plus nuancée :
- Car c’est d’abord une iniquité de plus dans une loi qui en compte déjà beaucoup : la cotisation sociale (part employeur et part salarié) constituant la part socialisée du salaire, les seniors bénéficiaires travailleront donc autant pour gagner moins. Sans négliger le fait qu’une telle mesure pourrait tenter des employeurs qui auraient embauché des séniors à taux plein en l’absence de ce dispositif.
- C’est ensuite la réapparition du critère d’âge comme outil de discrimination sociale. Depuis l’abandon du CPE en 2006, dont l’échec doit beaucoup à l’indignation qu’il provoqua chez les premiers visés, à savoir les jeunes, personne n’avait osé flétrir une classe d’âge ès-qualité, par le biais d’une stigmatisation en creux. C’est donc une atteinte sévère à l’égalité de traitement et à la dignité qui doivent s’attacher, selon nous, à tout travail ou travailleur salarié, quel que soit son statut.
- Et c’est enfin un manque à gagner substantiel pour la Sécurité sociale : 800 M€ de recettes en moins, au bas mot, venant s’ajouter aux 70 milliards annuels d’exonérations de cotisations employeurs, bien utiles pour maintenir la fiction d’un « trou » de la Sécu, dénoncée par l’UFAL à de multiples reprises.
La mesure sera-t-elle pour autant efficace ? Rien n’est moins sûr dans la mesure où elle ne porte que sur la première année d’embauche, qu’elle ne concerne qu’une partie des 55-64 ans, dont le taux d’activité est très sensiblement inférieur en France à la moyenne européenne, et qu’elle ne présente en fait qu’un faible effet d’aubaine si l’on se place dans la logique délétère de « réduction du coût du travail », chère aux économistes libéraux.
L’UNION DES FAMILLES LAÏQUES, attentive à défendre notre système de protection sociale ainsi que les intérêts matériels et moraux des familles et des travailleurs de tous âges qui la composent, dénonce et condamne ce mécano indigne d’une vraie démocratie sociale qui stigmatise une catégorie de salariés victime avant tout d’un manque de courage de l’État, seul à même de corriger l’injustice qui la frappe par des mesures contraignantes à la hauteur du problème posé, sauf à faire dans le simulacre et la bonne conscience.
- NDLR : nous attendons à cette heure la décision du Conseil Constitutionnel qui pourrait censurer toute ou partie de la loi, dont cette mesure [↩]