Le Conseil Constitutionnel vient de censurer ce mercredi l’allègement dégressif des cotisations sociales salariées inscrites dans le PLRFSS (pacte dit de solidarité). Les Juges ont estimé que la mesure créait une inégalité de traitement entre les assurés sociaux, car le droit à prestation sociale retraite et maladie aurait été équivalent entre les assurés sociaux alors même que leurs efforts contributifs auraient été différents.
Cette décision met un coup d’arrêt à la stratégie gouvernementale d’augmentation du pouvoir d’achat des salariés les plus modestes par un allègement des cotisations sociales. L’UFAL avait cependant rappelé dans un article précédent que l’allègement de cotisations salariales constituait une mesure d’augmentation en trompe-l’œil du pouvoir d’achat des salariés qui se serait traduite par une fiscalisation accrue du financement de la Sécurité sociale et donc, en définitive par une augmentation des impôts pour compenser le manque à gagner.
La décision du Conseil Constitutionnel ne change toutefois rien au problème de fond, car l’enjeu principal du pacte de responsabilité de F. Hollande porte sur l’allègement massif des cotisations patronales qui financent la Sécurité sociale au nom de la compétitivité des entreprises.
La décision des Sages a néanmoins le mérite de rappeler que la cotisation sociale n’a pas du tout la même nature que l’impôt. Contrairement à ce dernier, elle constitue en effet le fait générateur d’une ouverture d’un droit à des prestations sociales contributives : droit à retraite et droit à l’assurance maladie.
Cette décision comporte néanmoins deux faiblesses de taille.
Premièrement, le Conseil Constitutionnel ne semble reconnaître un caractère contributif qu’aux seules cotisations salariales (versées par le salarié) alors même qu’il existe d’ores et déjà une inégalité de traitement considérable entre salariés en termes de versement de cotisations patronales pourtant identiquement adossées à leur salaire, bien qu’acquittées par l’employeur. Rappelons qu’il existe actuellement une exonération généralisée sur les bas salaires dégressive jusqu’à 1,6 SMIC, soit l’équivalent de 30 milliards d’euros de prestations sociales. Or, l’UFAL n’a de cesse de répéter que l’ensemble des cotisations sociales, qu’elles soient salariales ou patronales ont la même valeur de salaire indirect pour les travailleurs à qui elles confèrent un droit inaliénable à des prestations sociales.
Deuxième faiblesse et pas la moindre, en faisant reposer sa décision sur la seule notion d’égalité contributive, le Conseil Constitutionnel emboîte le pas des idéologues néo-libéraux de stricte contrepartie individuelle entre cotisation sociale et ouverture d’un droit à prestation sociale. Or, cette analyse est contraire à la philosophie même du droit de la Sécurité sociale qui a historiquement mis en œuvre un double mouvement d’extension du caractère contributif de la cotisation sociale.
A la famille d’une part, car les ayants droit d’un assuré social bénéficient de l’assurance maladie au même titre que l’assuré social lui même. La pension de réversion au conjoint survivant opère le même mouvement d’extension familiale des pensions de retraite.
D’autre part, la cotisation sociale est indissociable d’un mouvement de socialisation (ou d’universalisation) de l’ouverture des droits sociaux à l’ensemble de la population, lui conférant une dimension de salaire socialisé. Ainsi, les allocations familiales encore financées majoritairement par la cotisation sociale sont accordées à l’ensemble des familles de 2 enfants et plus. Citons également l’affiliation dérogatoire à l’assurance maladie sur critère de résidence via la CMU de base pour les assurés sociaux les plus modestes qui ne cotisent pas directement à la Sécurité sociale.
Cette décision vise par conséquent à rigidifier la frontière entre les prestations sociales dites contributives financées par la cotisation sociale (retraites, prestations en espèce de l’assurance maladie ou AT/MP, les allocations de chômage) et les prestations dites universelles (allocations familiales, prestations en nature de l’assurance maladie) qui ont vocation, selon cette logique, à n’être plus financées que par l’impôt. Les premières tendent désormais à n’être versées qu’au seul travailleur inscrit à titre personnel dans une situation d’emploi salarié. Les secondes sortent en revanche de l’orbite du salaire et ressortissent du champ de la solidarité nationale et de l’impôt redistributif.