Le journal Les échos du 18 février nous annonce le projet que prépare le gouvernement Hollande/Ayrault en matière de réduction drastique des dépenses de santé. Principal poste de dépenses visées par le plan d’économies gouvernemental de 50 milliards d’euros à l’horizon 2017, les dépenses de santé – 185 milliards d’euros par an- sont une nouvelle fois dans le collimateur.
Déjà fortement affectées par 10 années de plans d’économies aveugles qui se sont traduites par une explosion du reste à charge pour les assurés sociaux et par une asphyxie de l’hôpital public, les dépenses de l’assurance maladie ne devraient pas dépasser 2 % par an entre 2015 et 2017. Bien que la progression des dépenses soit devenu systématiquement inférieure à l’ONDAM (l’objectif d’évolution des dépenses d’assurance maladie votée par le Parlement), le gouvernement estime qu’il y a lieu d’aller beaucoup plus loin et de viser un progression maximale des dépenses remboursées de 1,75%.Que l’on ne s’y trompe pas, c’est un « tour de vis historique ».
Rappelons que l’augmentation des dépenses de santé ne tient nullement à l’incurie de l’assurance maladie et encore moins au comportement irresponsable des assurés sociaux. Les facteurs d’augmentation ds dépenses de santé sont avant tout socio-démographiques : vieillissement de la population, techniques : mise sur le marché de nouveaux traitements innovants donc plus coûteux, économiques : effet prix lié au rattrapage de l’inflation ou à l’augmentation des honoraires des professionnels de santé… Précisons en outre que les 2/3 des dépenses de santé concernent une minorité des patients admis en affection longue durée, autrement dit des malades souffrant d’affections graves, durables et hautement invalidantes et qui bénéficient (encore) d’une prise en charge quasi-intégrale de leurs dépenses de soins. Enfin, les plus pauvres bénéficient de la CMU qui garantit un panier de soins a minima pour ceux qui n’ont aucune ressource.
Les mesures d’économies annoncées ne seront pas décidées avant avril et le gouvernement s’est engagé à ne pas diminuer le montant des remboursements des assurés. Comment le croire ? Certes, le gouvernement va ressortir la recette déjà usée jusqu’à la corde de restructuration des hôpitaux ou de déremboursement des médicaments dont le service médical rendu est jugé insuffisant. Autant de solutions déjà surexploitées et qui ne pourront empêcher le gouvernement de précipiter le basculement de nouveaux pans entiers de dépenses de l’assurance maladie vers l’assurance complémentaire privée. Les Echos relatent pour finir les propos -d’un rare cynisme- d’un conseiller gouvernemental : « Difficile mais pas impossible. L’avantage de la période actuelle, c’est qu’on pourra accélérer des chantiers qui n’avancent pas assez vite ». Façon assez obscène de se féliciter de la crise économique et sociale actuelle !
Les économies ne pourront être trouvées qu’à travers un nouveau déremboursement des dépenses de santé pour le plus grand nombre, ce qui touchera durement les assurés sociaux « trop pauvres pour être riches et trop riches pour être pauvres », ne bénéficiant ni d’une complémentaire santé généreuse ni du bénéfice de la CMU. Voilà qui ne manquera pas de conforter le sentiment d’exaspération sociale actuel de la part de travailleurs pauvres qui ont le sentiment d’être les sempiternels laissés pour compte de notre système social. Déjà lourdement pénalisés par les diverses générations de déremboursement (participation forfaire, franchises, augmentation du forfait hospitalier etc…), les assurés sont déjà près de 15 %, selon l’IRDES, à renoncer aux soins. Cela ne fait que retarder les traitements et … accroît in fine le montant de la facture de santé car les assurés sociaux sont de plus en plus nombreux à consulter en dernier recours.
L’UFAL fait de l’accès à la santé pour tous l’un des points d’ancrage de sa revendication militante. Notre mouvement est bien sûr favorable à une réforme de notre système de santé. Mais nous estimons qu’elle doit passer avant tout par le renforcement de l’assurance maladie et la sanctuarisation de l’hôpital public. De même nous estimons urgent de sortir du carcan de l’exercice libéral de la médecine et de jeter les bases d’une médecine salariée de haut niveau alliant prévention et renforcement du rôle social des praticiens et qui s’exercerait dans un cadre expurgé des réflexes corporatistes et des ordres professionnels réactionnaires. Autant de réformes qui sont à l’opposé du renforcement et de l’extension d’un système de santé à plusieurs vitesses que le gouvernement socialiste prépare.
En réalité, si le gouvernement annonce 50 Milliards d’économies au détriment des services publics et des dépenses sociales, donc sur le dos des citoyens et des familles, c’est pour mieux continuer à verser des centaines de milliards de subventions au patronat (allègement de charges, crédit impôt compétitivité, pacte de responsabilité -le tout sans aucune garantie de création d’emploi), et à alimenter la finance internationale via le remboursement de la dette publique privatisée.