En pleine crise des gilets jaunes, le Président de la République a annoncé fin décembre 2018 plusieurs mesures d’urgence censées calmer le mouvement de contestation, en particulier une augmentation du pouvoir d’achat de 100 euros pour les salariés au SMIC. Non seulement le mouvement d’insurrection perdure au-delà de toutes les prévisions mais surtout personne n’a été dupe de la manœuvre politique visant à faire reposer cette augmentation de pouvoir d’achat sur les contribuables sans qu’il n’en coûte un centime au patronat, alors même que celui-ci s’est vu octroyer plus 20 milliards d’euros d’exonérations de cotisations supplémentaires au titre du basculement du CICE (pour un total d’allègements de cotisations de 64 milliards d’euros !).
La mesure d’urgence annoncée par le Président Macron consiste en une augmentation du montant de la prime d’activité, cette prestation créée par Manuel Valls afin de compléter les revenus des travailleurs pauvres dont le salaire s’avère structurellement insuffisant pour leur permettre de disposer d’une vie décente, dans un contexte d’accentuation des mesures d’austérité. Le Président de la République entend choyer les grands patrons du CAC 40 et ne s’émeut nullement que leurs entreprises ont versé, en 2017, 57 milliards de dividendes aux actionnaires. Une fois encore ce sont les contribuables qui sont appelés à faire preuve de solidarité au travers de la prime d’activité qui s’apparente à une aumône versée aux travailleurs pauvres et financée par l’impôt.
Or, ce sont les Caisses d’allocations familiales (CAF) qui sont appelées à assurer le service après-vente de cette mesure en qualité de gestionnaires de la prime d’activité. Depuis janvier, les CAF font face à une situation intenable et ne parviennent plus à faire face aux flux de nouvelles demandes, mais également au volume de courriels, d’appels téléphoniques et de visites à l’accueil. Plusieurs CAF, totalement étranglées par le stock de dossiers, ont été contraintes de fermer les accueils, interrompre l’accueil téléphonique ou la réponse aux courriels. Sans parler de la souffrance des personnels qui doivent faire face à la charge de travail et subissent la tension liée à l’insatisfaction des allocataires. Leur mobilisation a été extrêmement forte en ce début d’année 2019, puisque plus d’un million de nouvelles demandes ont été traitées au prix d’une dégradation inquiétante du climat social et d’un retard considérable dans le traitement des dossiers en dépit des heures supplémentaires imposées dans quasi tout le réseau des CAF.
Cette situation dramatique doit de plus être mise en regard des efforts drastiques imposés par le Gouvernement à l’occasion de la Convention d’Objectifs et de Gestion signée entre la CNAF et l’État : 2100 suppressions de postes sont prévues sur les 30 000 salariés que compte la branche d’ici à 2022. Pour parvenir à faire plus avec moins de moyens, la branche famille est ainsi tenue de faire des gains de productivité au travers d’une conversion au tout numérique qui transforme peu à peu les Caf en un service public virtuel, déshumanisé et incapable de prendre en compte les situations de détresse des allocataires les plus précarisés, comme vient de le pointer à juste titre un récent rapport du Défenseur des droits.
Le Gouvernement vient d’annoncer en grande pompe l’autorisation d’embauche de 140 salariés en CDI pour l’ensemble de la branche. Cette mesure qui représente en moyenne un peu plus d’un salarié supplémentaire par Caf est totalement dérisoire. D’autant que se profile une autre réforme colossale : la réforme des aides au logement qui doit en entrer en vigueur cet été.
L’Union des Familles Laïques (UFAL), en qualité d’association familiale membre de l’UNAF, s’alarme de cette situation et apporte sa totale solidarité aux salariés de la branche famille qui sont victimes de l’inconséquence de l’action gouvernementale. Elle demande au Gouvernement de prononcer un moratoire sur les suppressions de postes au sein des CAF pour toute l’année 2018 compte tenu de l’urgence de la situation tant pour les personnels que pour les allocataires. Enfin, l’UFAL estime qu’il y a lieu de geler la mise en œuvre de la réforme des aides aux logements, car celle-ci comporte des risques majeurs, tant humains que technologiques, qui pourraient entraîner un « accident industriel » aux conséquences désastreuses tant pour les personnels que pour les usagers.