1.La privatisation du système de remboursement des soins
Le métier d’une assurance santé privée est de faire des bénéfices en assurant contre des risques (maladies, accidents…). Une assurance santé privée calcule la probabilité de survenue de maladies ou d’accidents des individus afin de devoir rembourser le moins possible.
L’idéal, pour elle, est d’assurer les mieux portants et de multiplier les raisons de ne pas payer, ou d’assurer les moins bien portants en les faisant payer beaucoup plus cher. Les franchises font partie du vocabulaire et des pratiques de l’assurance privée pour limiter les remboursements donc les pertes.
Le rôle d’une sécurité sociale solidaire est de briser collectivement la crainte de ne pas pouvoir subvenir à ses besoins en éloignant la peur de la maladie ou de l’accident qui rend incapable de travailler.
L’organisation de notre sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale1.
Collectivement nous avons décidé de mettre en commun une partie de notre salaire pour ne plus craindre ce malheur.
Sous le prétexte du déficit, les recettes appliquées pour « sauver la sécurité sociale sont des méthodes des assurances privées. La privatisation de la Sécurité sociale (plus exactement du système de remboursements), passe par l’incitation à prendre une assurance complémentaire. Ceux qui vivent de la sécu vivent dans l’ensemble très bien, parce que la sécurité solvabilise en partie les assurés. Mais les recettes ne sont pas suffisantes pour rembourser en totalité Laisser s’aggraver ce décalage entre dépenses et recettes est nécessaire pour faire accepter une réduction de la couverture sociale et le recours à des assurances complémentaires pour les restes à charge de plus en plus nombreux et lourds. Les complémentaires, même celles qui ne sont pas privées, suivent alors la loi du profit et mettent en place des contrats différents en fonction des clients.
Il y a tellement de manière d’être moins remboursé, tellement de restes à charges (sans compter les enveloppes remises sans reçus lors d’hospitalisations ou de soins divers), qu’il est nécessaire de tenter de faire le point.
2.Les différents « restes à charge »
Ces restes à charge ont différents noms :
tickets modérateurs (pour calmer notre appétence à être malades) : différences entre le prix payé et le prix remboursé, calculé en pourcentage de l’acte médical.
participation forfaitaire de 1 euro sur chaque consultation, examen ou analyse ; depuis le 1er janvier 2005, elle est prélevée sur le remboursement sécu et n’est pas remboursée par les complémentaires. Depuis cet été, elle peut être prélevée sur 4 actes dans la même journée.
Forfait hospitalier, pour les frais dits « hôteliers » lors d’une hospitalisation : il est maintenant de 16 euros par jour (12 en psychiatrie).
Forfait 18 euros : une participation forfaitaire de 18 euros, s’applique sur les actes dont le tarif est égal ou supérieur à 91 euros, ou ayant un coefficient égal ou supérieur à 50 non remboursés (sauf pour les personnes en ALD affections longues durées et pour certains actes).
franchises (comme pour des voitures ou des maisons sinistrées), reste à charge fixés quel que soit le prix de consultation ou de l’acte médical payé. C’est une des propositions phares du prochain débat parlementaire sur la sécu qui débutera le 24 octobre.
Tickets modérateurs sur médicaments
- 100% pour les médicaments (de plus en plus nombreux), déremboursés et qui constituent le plus gros des médicaments de l’automédication douleur, rhume, problèmes intestinaux, allergies ; ils sont très rarement pris en charge, et alors dans une limite annuelle fixée et forfaitaire, par certaines assurances et mutuelles (comme les contraceptifs par des mutuelles étudiantes, des vaccins par des assurances professionnelles privées) ;
- 85% sur les médicaments à vignettes oranges (anciens médicaments à vignettes bleues, en instance de déremboursement) ; ils sont parfois pris en charge par des mutuelles qui ont augmenté leurs tarifs ; ils ne sont pas pris en charge par la sécu en ALD, mais pris en charge dans le cadre de la CMU.
- 65% pour les médicaments à vignettes bleues, souvent dits de confort remboursés par la plupart des mutuelles avec parfois un reste à charge final de 5% ; pris en charge par la sécu dans le cadre des ALD, mais pas en invalidité.
- 35% pour les médicaments à vignette blanche ; pris en charge à 100% par la sécu dans le cadre des ALD, des invalidité, des CMU ; le plus souvent remboursés par les complémentaires, sauf si les médicaments ne font pas partie du contrat. Un projet refait surface régulièrement : dérembourser totalement les médicaments qui existent en même temps sous forme vignetée et non vignetée en vente libre ( tels que les médicaments contre la douleur, l’allergie) pour accroître le marché dit de l’automédication qui serait pris en charge forfaitairement par les assurances privées.
- 0% pour des médicaments très techniques et/ou soignants des symptômes ou maladies graves. La question est alors de savoir (comme pour les médicaments pris en charge à 65%) si le prix demandé par le laboratoire et remboursé par la sécurité sociale est justifié.
Restes à charge sur les lunettes, les audioprothèses, les appareils dentaires.
Ces appareils sont pris en charge par l’Assurance Maladie si ils figurent sur la liste des actes et prestations remboursables, et sont remboursées à 70 % sur la base de tarifs dits de responsabilité.
Mais les tarifs sont libres (non opposables) et les remboursements dérisoires car ils sont calculés sur des tarifs de responsabilité souvent très inférieur au coût réel. Normalement les honoraires doivent être fixés avec « tact et mesure » et doivent faire l’objet d’un devis.
Ce qui se passe dans ces domaines pourrait servir de modèle pour les autres soins : tarifs avec dépassements d’honoraires légaux et remboursement sur une base qui ne bougera plus.
La mutualité s’est appuyée sur le remboursement majoritaire dans ces domaines pour négocier sa participation à la gouvernance de la sécurité sociale, ce qui lui fut accordé… ainsi qu’aux complémentaires assurances privées.
Restes à charge dans le cadre d’un parcours de soins coordonné
C’est le médecin traitant choisi en remplissant le formulaire de « déclaration du médecin traitant » qui envoie vers certains spécialistes pour pouvoir bénéficier des remboursements les plus forts.
Le remboursement est généralement de 70%. Mais les tarifs pratiqués par les médecins et le montant qui sert de base de remboursement à l’Assurance Maladie varient en fonction de la discipline du médecin (généraliste ou spécialiste) et de son secteur d’activité (secteur 1 ou secteur 2) et la notion « d’exigence particulière » du malade devient de plus en plus difficile à définir, aussi difficile que « le tact et la mesure » précédemment cités pour les prothèses.
- Le médecin conventionné de secteur 1 applique le tarif conventionnel. Le tarif conventionnel est opposable : un dépassement d’honoraires n’est autorisé qu’en cas d’une demande particulière de votre part, comme par exemple une visite en dehors des heures habituelles d’ouverture du cabinet de votre médecin. Ces dépassements ne sont pas remboursés par l’Assurance Maladie, que vous soyez dans le cadre du parcours de soins coordonnés ou non.
- Le médecin conventionné de secteur 2 pratique des honoraires libres.
Il est en effet autorisé à pratiquer des dépassements d’honoraires avec tact et mesure. Le montant du dépassement n’est pas remboursé par l’Assurance Maladie.
La prise en charge est de 100% pour les personnes en ALD, enceintes de plus de 6 mois et bénéficiant de la CMU.
Restes à charge hors parcours de soins coordonné
Le taux de participation des assurés sociaux pour les consultations hors du parcours de soins vient d’être modifié. Il est maintenant diminué de 20% ; la Sécurité Sociale ne rembourse plus que 50% .
Pour respecter le caractère « responsable » de ses contrats, les mutuelles ne peuvent rembourser que 30 % au maximum de ce ticket modérateur.
Ainsi pour une consultation à 22 €, la sécu rembourse 11€ -1€ soit 10 euros. La mutuelle rembourse maximum 6,60 €. Le reste à charge est de 5, 40 € ; et pour une consultation à 25 €, cette participation est de 6 €.
3.Les mauvais coups annoncés
Les franchises dites « médicales ».
La fin des tarifs opposables conventionnels : tarif que les professionnels de santé s’engagent à ne pas dépasser et sur lesquels la sécu se base pour calculer le remboursement.
La mise en place d’un secteur optionnel : généralisation des variations « tact et mesure » avec dépassements possibles ( et devenus légaux) en pourcentage des tarifs de base.
4.Les alternatives
La riposte au projet des Franchises est encourageante, car c’est la première fois que nous sommes aussi différents et aussi nombreux à refuser cette nouvelle attaque contre notre sécurité sociale.
Nous sommes un pays riche qui a les moyens d’avoir une vraie sécurité sociale solidaire, universelle et répondant aux besoins de santé des citoyens et de leur famille.
Il faut se réapproprier et reprendre le contrôle de notre protection sociale.
Le manifeste des EGSAM (Etats Généraux de la Santé et de la Sécurité Sociale) pour le droit à la santé et à l’assurance maladie.
prise en charge à 100% des soins utiles et nécessaires dans le cadre d’une réelle démocratie sanitaire passage d’une logique de soins à une logique de santé actualisation des besoins de santé pour faire de la protection sociale le cœur d’un projet de société.
Voir le site de l’UFAL les différents textes des EGSAM : le manifeste et les annexes. Le blogue Santé Protection sociale sur le site de l’UFAL.
Le portail média de l’Ufal Santé Protection sociale : http://www.ufal.info/media_sante/index.htm
Consulter le site de l’Assurance maladie de la Sécurité Sociale pour plus de précisions sur les remboursements.
- Art 1er du code de la sécurité sociale : « L’organisation de la sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale. Elle garantit les travailleurs et leurs familles conte les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gains ». [↩]