Monsieur Sarkozy a reçu cette lettre d’une maman d’enfant handicapé, à la suite du dernier congrès de juin de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis.
La démagogie ne passe pas toujours !
« Monsieur Le Président,
Maman d’un enfant handicapé moteur de 12 ans, je me permets de vous écrire, car je ne vois, malheureusement, aucune espérance d’amélioration du quotidien de mon enfant, dans vos propositions.
Je suis révoltée depuis douze ans devant la place que la société réserve au handicap.
La France, est un pays de liberté, d’égalité et de fraternité.
Mais de quelle France parle t’on ? La votre, la mienne, celle de mon fils ?
Je viens de relire une fois de plus votre discours prononcé le 9 juin 2007 à l’occasion du 47ème Congrès de l’Unapei.
Permettez moi, Monsieur le Président de reprendre quelques passages avec vous …
En effet, vous nous avez longuement félicités pour notre courage, notre dévouement, notre détermination. Mais, que croyez-vous, avons-nous le choix ? Comme vous le dîtes, devant les carences de l’Etat, que devions nous faire, baisser les bras, abandonner nos enfants ?!
« Je veux que la société reconnaisse le travail remarquable de ceux qui, comme vous, se dévouent pour elle. Votre engagement est précieux. Il est souvent indispensable. Je veux transmettre cette valeur de l’engagement et pour cela valoriser le bénévolat. Ainsi, comme je l’ai annoncé, je donnerai des avantages concrets à ceux qui donnent de leur temps à la société dans les associations. »
Comment osez-vous, Monsieur le président, proposer du bénévolat pour pallier aux manques de l’état ?
Comment osez-vous proposer du bénévolat alors que nos enfants ont besoin de personnes formées aux problèmes du handicap et de la dépendance pour être correctement pris en charge ?
« Aujourd’hui, je suis venu vous remercier, vous qui donnez un visage à une France solidaire et humaine. »
Nous remercier de quoi ? D’essayer d’élever nos enfants comme n’importe quels parents. Croyez vous que nous avons attendu les remerciements et les encouragements d’un président, mais vous nous prenez pour qui ? Des parents ingrats, incapables de prendre nos responsabilités ?
« Au risque de vous surprendre, je ne suis pas venu pour apporter de la compassion. Car je sais que vous n’avez pas besoin d’être plaints. Je suis venu pour vous adresser de la considération, de l’attention et du respect. Je suis venu vous parler d’espoir. »
Oui, cher Président, cette façon de faire est bien surprenante, car avec un peu plus de compassion, vous pourriez vous rendre compte des vraies difficultés de notre quotidien. Et nous n’avons pas besoin de pitié. C’est assez difficile comme ça !
« Les personnes handicapées n’ont pas une place particulière dans notre société, comme cela leur est parfois signifié. Elles ont, de fait, toute leur place dans la société. A l’école, au travail, dans les loisirs : la place des personnes handicapées est au milieu des personnes valides, ni plus, ni moins. «
Alors, parlons-en, de cette place et de vos propositions …
L’école : Je dois dire que je ne comprends pas votre mesure du droit opposable à la scolarité. Je croyais que la loi de 2005 avait posée les bases de l’intégration des enfants handicapés dans les écoles ordinaires. Mais que les problèmes rencontrés s’articulent autour de trois points,
- l’accessibilité des locaux,
- le manque de formation et le manque de motivation des instituteurs,
- et surtout le manque d’auxiliaire scolaire.
En quoi ce droit opposable va régler les problèmes ? Je me demande si vous avez réellement mesuré les difficultés liées à la scolarité des enfants handicapés.
Croyez-vous que les parents d’enfants disons sans problèmes vont accepter que les instituteurs soient accaparés par le handicap visuel, moteur, ou mental. La solidarité à ses limites M. Sarkozy !
Pour les enfants qui ne peuvent suivre une scolarité ordinaire comme mon fils, vous voulez augmenter les places dans les centres. Comment voulez-vous faire ? Il faudrait agrandir les locaux, subventionner des nouveaux emplois, à moins que vous vouliez appliquer la méthode du bénévolat !
En ce qui concerne les centres, comment pouvez-vous fermer les yeux sur le fait qu’il n’y a que la construction de nouvelles écoles adaptées, pour donner une chance à nos enfants de pouvoir un jour s’intégrer dans notre société. Avez-vous mesuré l’ampleur d’une prise en charge d’un enfant handicapé ? Connaissez-vous les besoins en matière de rééducation, de socialisation, d’éducation, de prise en charge psychologique ? Permettez-moi d’en douter, Monsieur le Président …
Le travail : Je ne m’étendrais pas sur le sujet, je sais seulement que,lorsque l’on voit la politique des entreprises en matière de recrutement, jamais mon fils n’aura sa place dans le monde du travail, du fait de ses grandes difficultés.
Mais je dois dire que vous avez pris le problème à bras le corps, passer de 4% à 6% est la marque du respect que vous accordez à la place des handicapés dans le monde du travail …
Les loisirs et l’accès à la culture : Cela paraît un peu surprenant de parler de loisirs alors que la plupart des handicapés adultes vivent sous le seuil de pauvreté, ayant à peine les moyens de payer des auxiliaires de vie, des aides techniques et des logements adaptés. A ce sujet, j’aimerais mettre le doigt sur un sujet sensible : la revalorisation de l’AAH : où sont les 25% promis du mois de Juillet ? Vous avez oublié vos belles promesses ? Vous qui vous étiez engagé à penser tous les jours à nous ?
Vous êtes du style loin des yeux, loin du coeur, si je peux me permettre.
Comment vous rappeler à notre bon souvenir M. Sarkozy ? A nos difficultés quotidiennes ?
Ceci étant dit, parlons loisirs !
Je ne citerai qu’un exemple qui me tient à coeur. Mon fils de 12 ans, IMC, en fauteuil roulant électrique, est toute la semaine en centre à 70 Km de notre domicile. La seule façon pour lui de rencontrer et de partager avec des jeunes de son âge des activités, serait d’aller à l’espace jeunes de notre commune. Mais voilà, je me retrouve une fois de plus devant des problèmes que je ne peux résoudre. L’accessibilité des lieux, la motivation de l’animateur, les moyens financiers de la commune.
L’accessibilité, sur les deux espaces jeunes que j’ai visité, mon fils ne peut accéder soit aux locaux (3 marches), soit aux toilettes. En ce qui concerne les activités, on m’a bien fait comprendre que l’animateur était là pour tous les enfants et non pour devenir auxiliaire d’un seul enfant.
Quant aux sorties, à moins que les communes investissent dans un véhicule adapté, je ne vois pas comment Yoann pourrait bénéficier des mêmes sorties que les enfants valides.
Quelles solutions pour mon fils ? Un droit opposable à l’accessibilité des loisirs collectifs ?
« Je veux que la politique du handicap connaisse un second souffle. Je veux que sa rénovation soit visible. Je veux qu’elle apporte de vraies réponses. Ces réponses sont de deux ordres. La réponse à l’inadaptation de la cité aux personnes handicapées, c’est « l’accessibilité à tout et pour tous ». C’est l’accessibilité physique, l’accessibilité intellectuelle, l’accessibilité appliquée à tous les domaines de la vie de la société : à l’éducation, à la formation, à l’emploi, au logement, à la culture, aux soins, au sport, aux loisirs (…) . Les personnes handicapées veulent étudier, travailler, faire du sport, aller au spectacle, au restaurant, au cinéma, avec les personnes valides. Pas à part ou à côté. Ensuite, la réponse aux incapacités de toute personne c’est la compensation. La compensation peut être à la fois humaine, technique, financière (…).
Quelles que soient ses formes, la compensation devra, avant tout, être l’expression d’un projet de vie. «
Moi aussi, M. Sarkozy, je veux tout cela !
Car je veux offrir une vie digne et respectable à ce petit bonhomme de 12 ans qui va grandir et qui un jour devra se débrouiller sans ses parents.
Alors, Monsieur le Président, j’espère que vos mots seront suivis d’actes significatifs dans les prochains mois. L’urgence est là devant vous, le sujet du handicap ne doit pas être relayé au second plan. C’est une priorité, une priorité pour des familles, des enfants, des adultes handicapés qui veulent être respectés en tant que citoyens.
Vous avez fait des beaux discours, fait de belles promesses, qu’attendez-vous, maintenant pour mettre en oeuvre tous les moyens pour faire enfin changer les choses ?
D’autre part, vous avez omis bien des difficultés que nous rencontrons au quotidien.
Ne nous prenez plus pour des assistés, des sous-citoyens ou des incompétents, notre parole empreinte parfois d’une émotion difficile à contenir, est une parole juste, pleine de sens et d’humanité.
L’avenir de nos enfants devrait être la priorité de votre mandat.
Monsieur Sarkozy, par ce courrier, j’espère vous rappeler que vous avez pris des engagements et que vos ministres doivent les honorer rapidement.
Nous ne pouvons plus attendre.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées.
Courrier envoyé ce jour même au Président de la République Française. Je ne me fais aucune illusion sur une éventuelle réponse, mais j’ai dit ce que j’avais sur le coeur! »