On trouvera ci-dessous l’essentiel de la lettre du Syndicat National des Professionnels de la Santé au Travail (SNPST) adressée à chaque Député au sujet du projet de loi portant sur l’organisation de la Médecine du Travail qui sera examiné par l’Assemblée Nationale fin mars 2011.
Le Sénat a adopté le 27 janvier 2011 la proposition de loi n°57 relative à l’organisation de la médecine du travail.
Cette proposition comporte quelques avancées en matière de gouvernance en adoptant un conseil d’administration paritaire avec présidence tournante et en maintenant les commissions de contrôle avec 2/3 de représentants salariés.
Cependant, ce projet de loi reste déplorable pour la médecine du travail et la prévention de la santé au travail.
Le Syndicat National des Professionnels de la Santé au Travail (SNPST), représentant des professionnels de la santé au travail (médecins, infirmiers, assistants, IPRP…), vous avait écrit en date du 7 décembre 2010 pour vous apporter son positionnement sur ce sujet et vous alerter sur les dangers du projet de loi qui allait être discuté au Sénat.
Ce courrier insistait sur les leçons à tirer des récentes catastrophes en matière de santé publique dont l’affaire du Médiator est la dernière en date, et en particulier sur la nécessité de disposer d’avis d’experts totalement indépendants des considérations de gestion du risque qu’elles soient économiques, sociales, ou de toute autre nature. Ainsi pour la santé au travail, la veille, les alertes, l’expertise santé et les conseils avisés qui en découlent ne peuvent être portés que par des professionnels de santé indépendants.
La proposition de loi adoptée par le Sénat ne tient toujours pas compte de ces principes et aggrave la posture des professionnels de santé au travail :
– Le paritarisme, avec présidence alternante, ne supprime pas la prépondérance des employeurs et n’implique pas l’Etat. La santé au travail reste confiée à des associations d’employeurs, dont l’assemblée générale est la réelle instance décisionnelle.
Les services à gestion paritaire existants n’ont pas apporté la preuve d’une meilleure efficacité dans la prévention de la santé des travailleurs. La gestion des services de santé au travail, qu’elle soit patronale ou paritaire, s’est toujours faite selon une approche comptable, conduisant in fine à limiter les moyens des professionnels.
– Les missions de prévention sont transférées des professionnels de santé aux directeurs et présidents de services à qui reviendront le choix et le contenu des actions.
L’indépendance des professionnels de santé au travail affirmée dans le code du travail est rendue inopérante. On confie ainsi aux employeurs la totalité de la prévention de la santé au travail. Les employeurs, en situation évidente de conflit d’intérêt, deviennent à la fois juge et partie.
– La mauvaise interprétation de la Directive Européenne 891-1989 est toujours présente dans cette proposition de loi.
Cette directive qui affecte aux employeurs la responsabilité des mesures de prévention ne prévoit pas que ces mêmes employeurs soient en charge du suivi de la santé des salariés.
– La gestion de la santé et de la sécurité au travail, obligation de l’employeur, apparaît toujours dans cette proposition de loi, comme faisant partie des missions des professionnels de santé au travail, sous l’autorité des directeurs et présidents. Les professionnels en charge de la santé des travailleurs se retrouvent eux aussi face à un conflit d’intérêt.
Or, selon le code international d’éthique, ils ont l’obligation formelle de s’affranchir des contraintes économiques et de gestion que les directeurs et présidents de services n’ont de cesse de leur rappeler !
Par ailleurs, les entretiens réalisés par les équipes médicales nécessitent une relation de confiance avec le salarié qui ne peut se faire si le positionnement de ces dernières n’est pas clair. Un professionnel de santé au travail ne peut pas être à la fois au service de la santé du travailleur et au service de la gestion des risques pour l’employeur.
Enfin, cette loi ne règle pas le problème crucial de la pénurie des médecins du travail. Aucune réforme de la médecine du travail ne peut espérer aboutir à des solutions durables si elle ne s’attaque pas à ce problème urgent et primordial, nécessitant un engagement fort de l’Etat.
C’est pourquoi, le Syndicat National des Professionnels de la Santé au Travail, continue à demander le retrait de cette proposition de loi. Il souhaite l’élaboration d’un cadre réglementaire nouveau, en accord avec la directive européenne du 12/6/89 et le code international d’éthique, séparant clairement les obligations des employeurs notamment en matière d’obligation de sécurité de résultat, de la prise en compte de la santé des travailleurs réalisée par des professionnels de santé au travail experts et indépendants.
Le Syndicat National des Professionnels de la Santé au Travail insiste sur la nécessité de la mise en place de nouvelles structures de gestion des services de santé au travail, sous la forme d’agences qui peuvent s’organiser par exemple en groupements d’intérêt public, avec une gouvernance laissant toute sa place aux salariés et à l’Etat.
Le Syndicat National des Professionnels de la Santé au Travail souhaite toujours contribuer à l’élaboration d’un projet de loi dont il partage la conviction de la nécessité.