Alors que le Conseil des ministres européens de la santé s’apprête à entériner les 6 et 7 décembre prochains les modifications de la directive européenne 2001/83/CE portant sur la pharmacovigilance, l’histoire du Mediator° (benfluorex) en France rappelle la nécessité de disposer de systèmes proactifs et indépendants avec un financement public, afin de protéger la santé des citoyens.
DES INTERETS INDUSTRIELS TROP LONGTEMPS PRESERVES.
Depuis 1997, de nombreuses réserves ont été émises sur la balance bénéfices-risques du benfluorex : une absence d’efficacité ; la formation de dérivés fenfluraminiques au cours du métabolisme du benfluorex ; la notification de cas d’hypertension artérielle pulmonaire et de valvulopathies similaires à ceux qui ont conduit au retrait du marché des anorexigènes fenfluraminiques ; des effets indésirables neuropsychiatriques.Malgré ces éléments défavorables au produit et un avis de la Haute Autorité de Santé confirmant le service médical rendu insuffisant de ce produit évalué en 1999 , le benfluorex obtient un renouvellement d’autorisation de mise sur le marché par l’Afssaps en 2006 et ses génériques sont autorisés quelques mois avant son retrait.
Les ventes de ce produit, maintenu à un taux de remboursement à 65% par les pouvoirs publics malgré son statut de médicament à service médical rendu insuffisant , ont ainsi continué jusqu’à la suspension de son autorisation de mise sur le marché fin novembre 2009, exposant les patients à des effets indésirables injustifiés et engendrant un coût non négligeable pour la collectivité (maintien du remboursement, hospitalisations, chirurgie cardiaque, etc.).
UN SCANDALE SANITAIRE ET ECONOMIQUE.
Ce scandale sanitaire et économique qui aura causé au minimum 500 morts, plusieurs milliers d’hospitalisations et de chirurgies cardiaques, montre d’une part, que les intérêts industriels ont été longtemps privilégiés aux dépends de la santé des patients et d’autre part, une gestion tardive et incohérente de ce dossier par l’Afssaps.
De plus, l’article du Monde du 24 novembre 2010 démontre bien « la proximité » singulière entre l’Agence, ses experts, notamment le président de la Commission d’autorisation de mise sur le marché, et le laboratoire commercialisant le benfluorex.
PROPOSITIONS CONCRETES AFIN DE FAIRE CESSER LA CONFUSION DES GENRES.
Le Collectif Europe et Médicament considère que pour éviter de tels drames sanitaires, le processus de décision en matière de santé publique :
- doit permettre une gestion transparente et efficace des conflits d’intérêts. La création de l’Agence du médicament en 1993, devenue depuis l’Afssaps, devait permettre une totale indépendance des autorités d’évaluation des médicaments avant leur mise sur le marché. Rappelons cependant qu’en 2009, plus de 80 % du budget de l’Afssaps émanait du produit des taxes versées par les firmes pharmaceutiques . Comment espérer que l’évaluation soit impartiale dans ces conditions de prestation de service ?
- doit se doter d’un dispositif de pharmacovigilance renforcé. La pharmacovigilance doit être financée par des fonds publics et gérée par des autorités indépendantes pour que tous les effets indésirables soient pris en compte et analysés, afin de donner suite à des alertes et à des décisions de protection de la population réactives. La refonte de la directive européenne sur la pharmacovigilance, qui sera prochainement adoptée, va permettre que les déclarations directes des patients soient enregistrées, ce dont le Collectif Europe et Médicament se réjouit. Néanmoins, la protection des patients ne sera garantie que si la pharmacovigilance ne repose pas sur les industriels, qui ne peuvent être juge et partie.
- doit résulter d’une bonne coordination et d’une synergie entre les structures sanitaires. La juxtaposition de structures en France a été dénoncée dans de nombreux rapports parlementaires , sans pour autant être suivie d’effet. Le mille feuilles actuel d’agences permet des niveaux de négociations multiples pour les industriels, ce qui a pour effet de diluer les décisions finales et de bénéficier aux intérêts commerciaux aux dépends de ceux de la santé publique.
Pour être de qualité et répondre prioritairement à des objectifs de santé publique sans confusion avec des intérêts industriels, l’évaluation des médicaments doit être réalisée par des experts indépendants, en toute transparence, au sein d’une structure financée essentiellement par des fonds publics.
Communiqué de presse 24/11/2010
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