Les années passées nous avaient tellement habitués aux mauvaises nouvelles que nous faisions le dos rond en attendant les annonces du contenu du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2025 ! Nous craignions, comme ce fut le cas en 2023, le retour d’une nouvelle vague de transferts de remboursements de la Sécurité sociale aux organismes de complémentaires santé. Nous redoutions également une mise en application des annonces du ministre Bruno Lemaire de déremboursements partiels par régime obligatoire des affections de longue durée (ALD).
Les lettres plafonds du Premier ministre Attal à ses ministres démissionnaires nous laissaient entrevoir de nouvelles charges de remboursements bien supérieures à celles que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 avait gravées dans le marbre (Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023). L’instabilité gouvernementale de l’été et de la rentrée a certainement empêché les habituels contre-feux dont s’emparent les médias pour rendre les organismes de complémentaire santé responsables des augmentations de leurs cotisations alors qu’elles ne sont que la conséquence des décisions politiques. Grande fut la tentation de polémiquer sur les recommandations du rapport sénatorial « Hausse des tarifs des complémentaires santé : l’impact sur le pouvoir d’achat des Français » pour vilipender les organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM). Sur les 22 propositions du rapport figurent en effet une « incitation à réduire les frais de gestion » et à « améliorer la lisibilité des contrats » tout en voulant « diminuer le coût de la complémentaire santé pour les assurés qui n’ont pas recours aux médecines dites « douces ».
Cette fois, le marronnier sur les mutuelles qui s’enrichissent avec des châteaux, des vignes et des bateaux n’a pas été efficace !
Le PLFSS 2025 sort enfin !
En moins d’un an, la prise en charge d’une consultation chez un généraliste par l’Assurance maladie passera de 66 % à 53 %. À partir du 1er novembre 2024, le tarif des consultations médicales sera de 30 €. Les complémentaires santé devront couvrir, à compter de 2025, 12 € par consultation, au lieu de 7,5 € actuellement. L’augmentation de leur prise en charge globale sera alors de 60 %. Chaque actuaire s’est mis alors à espérer l’application de la recommandation 16 du rapport sénatorial, « prévoir un délai de six mois entre la publication des textes induisant une modification de périmètre entre AMO et AMC et la mise en œuvre de ces décisions ». (AMO : Assurance Maladie Obligatoire ; AMC : Assurance Maladie Complémentaire, ndlr)
Et la Mutualité Française (FNMF) de déclarer le 11 octobre que « les mutuelles ne doivent pas devenir les variables d’ajustement des déséquilibres budgétaires de l’Assurance maladie. Les mutuelles, pour être au rendez-vous de leurs obligations prudentielles, devront répercuter ce transfert sur les cotisations ». Mais le rapport sénatorial rappelle que la direction de la Sécurité sociale estime que « de nouveaux transferts pourraient être nécessaires afin de parvenir à un rééquilibrage des charges entre AMO et AMC ». Quelles que soient les tailles des organismes de complémentaires santé, les transferts de prestations deviendront insoutenables. D’autant que cette année, les grands organismes de plus de 1 milliard de cotisations encaissées seront contributeurs des hausses d’impôts provisoires sur les sociétés. Tout cela aura un impact significatif sur leurs cotisations.
Le PLFSS prévoit aussi la baisse du plafond des indemnités journalières, solution miracle issue de think tanks néolibéraux comme l’IFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques), qui va avoir pour effet de déstabiliser le provisionnement des organismes de prévoyances et donc leurs cotisations, que les entreprises et les salariés devront payer !
Y a-t-il des raisons d’espérer ? La solidarité dans la santé a-t-elle encore un avenir ?
Le rapport d’Antoine Bozio et d’Étienne Wasmer « Les politiques d’exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire » réhabilite la cotisation sociale et a été partiellement suivi dans le PLFSS 2025. La défense de la cotisation sociale implique d’analyser le salaire comme institution sociale. Bien plus qu’un simple mode de rémunération, le salaire est en effet porteur d’un ensemble de droits immanents qui sont constitutifs du droit social : droit du travail et droit de la protection sociale. La mesure, certes modeste, de baisse des exonérations, laisse imaginer l’obsolescence programmée du mantra du MEDEF sur la baisse des charges ! Comme Jérôme Saddier, ex-président de ESS France, commentant un article des Échos titré « Budget : ces neuf mois qui ont creusé un gouffre de 100 milliards », nous constatons que « cette débandade met fin à la fable des “bons gestionnaires” du camp de la raison ».
Républicains socialistes, les vrais bons gestionnaires c’est nous ! Et nous devons mieux nous faire entendre !
Subissant les contraintes toujours plus lourdes des directives européennes, malmenés par des politiques erratiques, les militants de la République sociale sont toujours vaillants. Mais il faut sortir de la cyphose et redresser la tête ! Récemment, le Pacte progressiste pour la fin de vie a rassemblé plusieurs dizaines de mutuelles et d’associations coordonnées autour de la MGEN et l’association des « Mutuelles pour la santé planétaire », qui unie plus de 40 mutuelles françaises et européennes autour de la Mutuelle Familiale, faisant ainsi la démonstration qu’en mouvement et unis nous pouvons faire bouger les lignes.