Article paru dans le magazine UFAL Info n°75 spécial « Retraites : requiem ou renaissance ».
UFAL Info n°75 – Décembre 2018
Annoncé pendant la campagne présidentielle, le chantier d’une vaste réforme des retraites visant à transformer radicalement notre système par répartition héritée du programme du Conseil National de la Résistance (CNR) a été lancé par le Président Macron. Son objectif est d’unifier l’ensemble des régimes actuels de retraites (régime général, régimes complémentaires obligatoires et régimes spéciaux) dans un régime unique par points à cotisations définies.
Présentée comme un chantier de simplification voire d’équité entre retraités, la réforme Macron des retraites doit bien être comprise pour ce qu’elle est véritablement : le point d’orgue du projet néo-libéral macronien de liquidation du Droit social des travailleurs et la mise à mort de l’héritage social du CNR, initiés avec la réforme du Code du travail et l’affaiblissement historique de la cotisation sociale, le tout au prix d’une aggravation inédite des inégalités sociales, d’une paupérisation des retraités et d’une soumission du régime des retraites aux marchés financiers.
La mise en place d’un régime unique par points, également appelé « comptes notionnels », n’a rien d’une mesure originale ni novatrice. Le système de comptes notionnels de retraite figure en tête de chapitre de nombreux traités néo-libéraux de réforme sociale rédigés depuis les années 1990 dans les laboratoires de la Banque Mondiale, du FMI et de l’Union Européenne. Les partisans d’un régime par points ou de comptes notionnels (d’Alain Madelin à Thomas Piketty en passant par le MEDEF ou encore la CFDT) mettent en avant les avantages : un système unifiant les régimes de base face à « l’opacité » des systèmes actuels, un système plus juste à l’égard des carrières longues et des carrières modestes, qui prendrait mieux en compte la question des poly-pensionnés et permettrait de distinguer clairement les éléments contributifs et les éléments non contributifs (« avantages » familiaux par exemple) qui pourraient être financés par l’impôt.
Pour bien saisir la portée de cette réforme majeure et complexe, il faut en décrypter les tenants. Cela permettra en outre de mieux mettre en exergue sa dimension proprement antisociale.
Le système actuel de retraites par répartition : un conquis social inestimable mais mal-né
Partie intégrante de la Sécurité sociale, le système de retraites par répartition représente le premier poste de dépenses sociales de notre pays, loin devant l’assurance maladie. 56% des dépenses de Sécurité sociale correspondent en effet aux pensions de retraite. La situation du système de retraite est néanmoins difficile à appréhender du fait de la coexistence de nombreux régimes de retraites organisés selon une logique socioprofessionnelle : régimes de salariés, régimes de fonctionnaires, régimes spéciaux… Le régime général (travailleurs salariés), dont les pensions sont versées par la CNAV en Île-de-France et les CARSAT ailleurs, possède un champ d’application personnel très étroit : il ne couvre que les salariés non couverts par ailleurs par un régime spécial ou un régime particulier. Il s’agit là d’un péché originel du législateur de 1945, il est vrai pris en tenaille entre les intérêts idéologiques, socioprofessionnels et syndicaux hautement conflictuels de l’époque. En effet, la retraite est apparue très tôt comme un domaine de négociation sociale au sein de l’entreprise ou de la branche professionnelle. Partie intégrante du statut social des travailleurs et lieu important d’exercice du pouvoir de négociation syndicale, notre système de retraite a vu fleurir une kyrielle de régimes spéciaux d’application parfois très étroite (RATP, SNCF, Opéra de Paris, etc.). Par ailleurs, le législateur avait voulu laisser une place importante aux régimes complémentaires, lesquels sont devenus obligatoires depuis 1972.
En effet, le régime de retraite des travailleurs est structuré autour de deux étages obligatoires de retraite qui relèvent tous deux de la Sécurité sociale. Il s’appuie en premier lieu sur des régimes obligatoires de base (dont celui du régime général) versant des pensions calculées sur la base des salaires d’activité perçus (les 25 meilleures années). Ces régimes de base sont dits à « prestations définies », car le montant de la pension est calculé en proportion des revenus d’activité. Les pensions et les cotisations sociales des régimes de base sont calculées dans la limite de 50 % du plafond de la Sécurité sociale. Il en découle que les régimes de retraite de base versent des pensions d’un niveau relativement modeste mais sûr, calculées sur la base maximale de 50 % du salaire annuel moyen plafonné des 25 meilleures années.
En second lieu, pour les salariés du secteur privé, les régimes complémentaires obligatoires (AGIRC-ARRCO) servent des pensions calculées en fonction du nombre de points acquis durant la vie professionnelle. Et le montant de ces pensions complémentaires est calculé en fonction de la valeur du point au moment de la liquidation des droits à la retraite, valeur qui n’est pas connue à l’avance. C’est pour cette raison que l’on parle de régimes à « cotisations définies ».
L’AGIRC-ARRCO, le prototype de retraite par points qui nous renseigne sur le danger de la réforme Macron
Les régimes de retraites complémentaires AGIRC (cadres) et ARRCO (non-cadres) sont des régimes de retraite obligatoires par répartition. Les régimes AGIRC et ARRCO sont gérés par un ensemble d’institutions à but non lucratif et gérés paritairement. Ils relèvent du Code de la Sécurité sociale mais ils se distinguent foncièrement des régimes de base (et en particulier du régime général) de la Sécurité sociale.
Tout d’abord, ce sont des régimes dits conventionnels et non légaux. Autrement dit, bien que la loi pose d’importants principes – notamment l’obligation d’affiliation des salariés à un régime complémentaire -, ce sont des dispositions conventionnelles prises au sein d’organes paritaires qui régissent les grands principes de fonctionnement de ces institutions. Historiquement, les régimes AGIRC et ARRCO sont le fruit de la négociation collective au sein de l’entreprise et c’est ce rapport à l’entreprise qui explique largement l’atypie juridique des institutions de retraite complémentaire au cœur du dispositif de Sécurité sociale. Les partenaires sociaux signataires de l’accord de 2015 ont toutefois entériné la fusion de ces deux régimes dans un régime unique qui entrera en vigueur le 1er janvier 2019.
Fait marquant, les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO ont opté pour un mécanisme de retraite par répartition différent de celui du régime général : il s’agit d’un système par points ou à cotisations définies. À la différence du régime général qui calcule le montant des pensions en référence aux salaires perçus par le salarié durant sa vie professionnelle (prestations définies) et qui contribuent à établir une continuité salariale entre salaires d’activité et retraite(( Lire Bernard Friot – L’enjeu des retraites, La Dispute, 2010. Friot érige la retraite de la Sécurité sociale en véritable salaire continué des travailleurs, dont le versement ne serait nullement la contrepartie de droits retraites acquis tout au long de la vie, mais au contraire une reconnaissance par le salaire de la qualification des retraités indissociable de celle acquise tout au long de la vie. )), les régimes complémentaires versent des retraites calculées au travers d’un système de points acquis par les cotisations du salarié. Le montant de la pension est alors le résultat du nombre de points acquis au cours de la période d’activité multiplié par la valeur du point en vigueur au moment du passage à la retraite(( Le nombre de points acquis est obtenu par l’application de la formule suivante : assiette de cotisation x taux d’acquisition / prix d’un point. À noter que le taux d’acquisition sur lequel sont calculés le nombre de points acquis est différent du taux d’appel (à savoir celui réellement payé). Les taux de cotisation comportent plusieurs tranches selon le niveau de salaires. )). En conséquence de quoi, les retraités ne peuvent absolument pas connaître à l’avance le montant de leur pension.
Ces régimes, bien qu’intégrés dans le champ de la Sécurité sociale et largement contrôlés par les pouvoirs publics, échappent au service public de la Sécurité sociale tel que souhaité par Pierre Laroque et Ambroise Croizat. Certes, les régimes ARRCO et AGIRC sont dépositaires d’une mission d’intérêt général, mais les partenaires disposent d’une autonomie de gestion bien plus importante que dans les régimes de base. Certes, la gouvernance des régimes de retraite donne une place prépondérante aux partenaires sociaux, à l’instar du régime d’assurance chômage UNEDIC. Mais le rapport de force interne donne par construction une influence politique fondamentale aux organisations patronales au gré d’alliances de circonstance avec un ou plusieurs syndicats minoritaires. Les accords négociés dans le courant des années 1990 ont ainsi abouti, sous la pression du patronat, à diminuer sensiblement les droits des retraités via une diminution de la valeur du point et, fait notable, y compris sur des pensions déjà liquidées(( Accord AGIRC-ARRCO de 2004 )) !
Les organisations patronales ont en outre érigé l’avenir des régimes complémentaires de retraite comme l’un des chantiers politiques fondamentaux (et conflictuels) de la démarche de « refondation sociale » qu’ils ont initiée en 1999. L’objectif affiché par le MEDEF est d’obtenir, par le biais d’accords, l’instauration d’un dispositif de retraite à la carte instaurant une véritable neutralité actuarielle, et donc une individualisation des pensions en fonction du « risque » individuel. Il faut dire que le MEDEF disposait (et dispose toujours) d’une arme de poids pour imposer le tempo des accords aux organisations syndicales. En cas de refus d’accord, les retraités qui auraient liquidé leur pension auprès du régime général avant 65 ans auraient dû patienter jusqu’à cet âge pour pouvoir liquider leur pension auprès de l’AGIRC-ARRCO sans pouvoir bénéficier d’aucune garantie de ressources. En effet, en 1982, l’âge de liquidation des retraites auprès de l’AGIRC-ARRCO est resté fixé à 65 ans bien que l’âge légal de départ à la retraite ait été abaissé à 60 ans par les lois Auroux. De nos jours encore, les garanties de ressources entre l’âge légal de retraite des régime de base (62 ans) et celui des régimes complémentaires (67 ans) sont assurées par une association de financement qui assure les revenus des retraités jusqu’à l’âge de liquidation des retraites complémentaires : l’AGFF.
La reconduction de l’AGFF dans le cadre des accords a toujours constitué une nouvelle épée de Damoclès dans les mains du MEDEF. Et elle a permis au patronat d’obtenir sans difficulté la signature de l’accord retardant de 2 ans de l’âge de liquidation des pensions de retraite complémentaire (qui est désormais fixé à 67 ans) après la réforme des retraites de 2010. Le jeu pipé du paritarisme s’est exprimé par la suite à l’occasion de l’accord du 13 mars 2013 qui a ainsi imposé le principe de sous-revalorisation des pensions de retraite complémentaire par rapport à l’inflation. L’accord du 30 octobre 2015 est allé encore plus loin en instaurant un « coefficient de solidarité » qui impose une minoration de 10 % des pensions versées par l’AGIRC-ARRCO, et ce pendant 3 ans, aux retraités qui liquident leur retraite de base à l’âge légal de 62 ans. Autrement dit, un salarié pensant partir à la retraite à 62 ans à taux plein voit sa retraite complémentaire amputée de 10 % pendant 3 ans, alors même qu’il a atteint l’âge légal !
Les comptes notionnels, l’enfer actuariel libéré de tout contrôle démocratique
La mise en place de systèmes de retraite à cotisations définies reposant sur la conversion à terme d’un capital retraite acquis tout au long de la vie constitue le fondement de la doxa néolibérale en termes de retraites, systèmes promus par la Commission européenne et mis en œuvre dans plusieurs pays européens. Présentés comme une alternative à la capitalisation, ils portent le ferment de l’individualisation stricte des droits à retraite et d’une réduction fondamentale des niveaux de pensions, tout en favorisant le recours, certes facultatif mais massif, à la capitalisation.
Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) a été officiellement saisi fin 2009 pour produire un rapport sur l’impact d’une transformation du système actuel par annuités en un système par points ou notionnel. Le COR a rendu ses conclusions dans son 7ème rapport du 28 janvier 2010(( Conseil d’Orientation des Retraites – 7ème rapport : Retraites : annuités, points ou comptes notionnels ? Options et modalités techniques, 28 janvier 2010 )). Prudent, il précisait que le passage à un tel régime est envisageable mais ne réglera en rien la question de l’équilibre des finances des régimes de retraite. Toutefois, ce rapport semblait déjà faire écho à un mouvement réformateur européen largement enclenché en matière de retraites. D’ores et déjà, plusieurs pays européens ont mis en œuvre ce système : l’Italie, la Suède, la Pologne et la Lettonie. L’aiguillon de l’Union Européenne en matière de réforme structurelle des économies européennes constitue donc la principale justification du projet macronien de réforme des retraites en substitution aux actuels dispositifs à prestations définies.
Le régime par points AGIRC-ARRCO représente à cet égard un point d’ancrage fondamental pour les tenants d’une réforme de structure de notre régime de retraite par répartition pour la mise en œuvre d’un système à cotisations définies. Comme nous l’avons vu, l’AGIRC-ARRCO a été maintes fois le théâtre de décisions de gestion imposées par le patronat et qui se sont révélées particulièrement régressives pour les salariés : réduction rétroactive de la valeur du point, sous-indexation des pensions, coefficient de minoration des pensions, etc.
Cependant, les régimes traditionnels par points tels que l’ARRCO-AGIRC semblent frappés d’obsolescence au sein du logiciel idéologique néolibéral. La formule des comptes notionnels constitue la version rénovée et sophistiquée des régimes par points, augmentée au surplus d’un fantasme technocratique et anti-démocratique qui sied parfaitement à notre Président de la République. La formule des « comptes notionnels » ressemble certes à un système par points classique : chaque assuré acquiert un capital virtuel de droits à retraite qui repose sur un nombre de points acquis. Mais la valeur de ce capital varie en fonction de l’espérance de vie, de la génération de l’assuré et de son âge au moment du départ à la retraite. Sont également pris en compte un ensemble de déterminants socio-économiques (situation démographique et évolution de la croissance du PIB) qui confèrent au système notionnel un mécanisme intrinsèque de pilotage de l’équilibre financier.
Dans les régimes de comptes notionnels, le niveau de la pension résulte de l’effort contributif réalisé tout au long de la vie professionnelle et calculé en référence au montant des cotisations versées par l’employeur et le salarié. Cependant, les cotisations ne sont pas capitalisées et le régime fonctionne en répartition, les cotisations effectivement versées servant à financer les pensions des retraités de l’année en cours.
Lors de la liquidation des droits, le capital accumulé est transformé en annuité actuarielle, c’est-à-dire que la valeur actualisée de l’ensemble des pensions perçues pendant toute la période de retraite doit correspondre exactement au montant des cotisations accumulées et revalorisées durant la vie active.
Le coefficient de conversion du capital virtuel en rente, c’est-à-dire le prix d’achat d’une unité de rente, tient compte de trois paramètres : l’âge de départ à la retraite de l’assuré, l’espérance de vie de sa génération à cet âge distinguée par sexe, et le taux d’actualisation des pensions. À travers le coefficient de conversion, les régimes de comptes notionnels introduisent un mécanisme d’ajustement automatique des pensions à la hausse de la longévité. Par ce biais, le montant des pensions est ajusté arithmétiquement à la durée prévisionnelle de perception de la pension : ainsi, plus l’espérance de vie est importante plus le montant de la pension sera faible. De la sorte, le montant de la pension des femmes et des générations récentes est mécaniquement plus faible que celui des hommes ou des classes d’âge plus anciennes censées vivre moins longtemps.
Les régimes de comptes notionnels introduisent également un mécanisme d’ajustement économique de long terme : la revalorisation du capital accumulé par les individus est effectuée de telle sorte que ce capital est indexé sur le taux de croissance du PIB sur la période passée mais également future par anticipation du taux de croissance. Pour être équilibrés à long terme, compte tenu de la fixation du taux d’actualisation, les régimes doivent être réajustés en permanence en fonction du différentiel constaté entre le rendement d’une pension déjà servie et le taux de croissance des salaires, ce mouvement pouvant aller aussi bien dans le sens d’une augmentation que d’une baisse des pensions.
La mise en œuvre d’un régime notionnel constitue donc un véritable enfer actuariel appliqué aux régimes de retraite par répartition. Son introduction consiste à appliquer des formules de calcul d’une complexité telle qu’elle ne peut être comprise que par une minorité d’experts. Plus grave, elle vise à internaliser les règles de calcul liées aux paramètres démographiques et économiques en l’intégrant dans les paramètres de calcul ; autrement dit, les règles de calcul et de revalorisation du montant des pensions ne relève même plus en théorie d’une décision de nature politique à l’instar des accords AGIRC-ARRCO qui fixent la valeur du point.
Véritables « Frankenstein » actuariels, politiquement incontrôlés et démocratiquement incontrôlables, ils constituent une perspective des plus effrayantes de confiscation technocratique de la question sociale en matière de retraites. La mise en œuvre de tels régimes, promus par la Commission européenne, relayés par le MEDEF et plébiscités par la CFDT représentent à nos yeux une extraordinaire régression sociale.
Tout d’abord, ces régimes reposent sur le principe d’une inégalité en droits selon le sexe, les générations et les capacités contributives de salariés. Ce système prévoit en outre qu’à salaire égal et cotisations égales, les femmes bénéficieront d’une retraite calculée inférieure en raison de leur espérance de vie prétendument supérieure ! Bel exemple d’égalité femmes-hommes !
Les régimes à cotisations définies plongent les salariés dans une profonde incertitude quant au montant des droits acquis puisque les règles de valorisation des droits constitués sont par essence évolutives et les règles de calcul totalement illisibles, contrairement à l’argument spécieux (pour ne pas dire cynique) martelé par les réformateurs néo-libéraux selon lequel les régimes notionnels offriraient davantage de lisibilité au système de retraite en l’expurgeant de toute décision politique incertaine !
Or, un tel projet ne permet en rien de répondre à la problématique des retraites posée par la question démographique qui pourtant sous-tend la mise en place d’une telle réforme néolibérale. En effet, les régimes notionnels demeurent des régimes par répartition dépendant fondamentalement de l’équilibre entre le montant des cotisations perçues et la somme des pensions versées à un instant T. En dépit de la sophistication des règles qui les régissent, les régimes notionnels n’apportent aucune solution nouvelle pour le financement des retraites, qui repose toujours sur la question du choix politique entre hausse des cotisations, baisse des pensions et incitation à accroître l’âge moyen effectif de départ à la retraite.
L’objectif visé n’est donc pas tant l’équilibre des régimes de retraite que la rupture du lien fondamental et direct entre retraite et salaire et, partant, la transformation du salarié en petit épargnant individuel de droits à retraite. Plus grave, en déconnectant les retraites des revenus d’activité perçus, le système de retraite par points entend désolidariser encore davantage l’enjeu des retraites de celui des salaires et annihiler toute velléité de mobilisation salariale et syndicale en faveur d’une augmentation collective des salaires, puisque celle-ci ne se traduira nullement en augmentation de droits à retraite.
Dans les faits, il s’agit évidemment de préparer le terrain à l’introduction de régimes par capitalisation, eux aussi à cotisations définies mais se distinguant des régimes notionnels par l’introduction des cotisations sur les marchés financiers. En effet, en plaçant les futurs retraités dans une incertitude totale quant au montant de la pension qu’ils percevront au moment de liquider leur retraite tout en plafonnant le montant des pensions, le système de comptes notionnels vise à inciter massivement les salariés les plus aisés à compléter leur retraite au travers de placements en capitalisation ou d’investissements dans la pierre et les valeurs mobilières. Ainsi, le législateur entend développer sans commune mesure le recours aux dispositifs d’épargne retraite en entreprise, boostés par un dispositif d’importantes exonérations fiscales et sociales… et, de la sorte, accentuer la mainmise de la finance sur l’économie. Voilà l’enjeu véritable de la réforme Macron !
Les régimes à cotisations définies visent à détruire la potentialité sociale de la retraite entendue comme continuation du salaire et comme créance sociale collective du travailleur sur les gains de productivité du travail. Il s’agit d’ériger un modèle d’atomisation du corps social des travailleurs par la mise en place de règles strictement individualisées et pilotées de manière opaque par une quarteron de technocrates patentés formés aux règles actuarielles.
Plus que jamais, le
refus d’une telle réforme des retraites est un impératif social et politique.
Et il doit désormais constituer la mère de toutes les batailles contre le
projet thatchérien d’Emmanuel Macron.