Le 12 juillet dernier, le Président Macron a annoncé les nouvelles mesures prises pour lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 et son variant delta : d’une part l’obligation vaccinale est imposée à certaines catégories de salariés1, d’autre part, le passe sanitaire sera rapidement étendu à la plupart des lieux recevant du public (lieux culturels, cafés, restaurants, centres commerciaux) que ce soit pour les personnes les fréquentant ou ceux qui y travaillent. Le gouvernement mise sur une stratégie vaccinale massive afin de parvenir à endiguer la propagation du virus et éviter que la 4ème vague en cours ne conduise à un nouveau confinement.
Une autre mesure interpelle même si elle ne focalise pas les débats : l’isolement automatique pour 10 jours de toute personne présentant un test positif au virus de la covid-19. Si le taux de croissance actuel des cas positifs se poursuit, cela représentera près de 150 000 personnes par jour dans 3 semaines ! Le gouvernement est-il bien certain de pouvoir assurer et assumer une telle privation massive et automatique de liberté ?
L’adoption à marche forcée de la loi permettant l’application de ces mesures n’autorise pas des débats parlementaires de qualité et porte donc un coup à notre démocratie représentative.
L’UFAL a toujours été favorable à la vaccination et nous en appelons tous nos concitoyens à se faire vacciner, en premier lieu les personnes fragiles ou à risques qui sont actuellement insuffisamment vaccinées. Nous rejetons vivement les discours antivaccins qui relayent des informations non-étayées sur le plan scientifique. La vaccination est un acte de santé publique essentiel, à la fois individuel et collectif : en se protégeant soi-même, on protège aussi les autres, notamment les plus fragiles.
Mais cette campagne de vaccination ne peut pas se faire sous la forme d’une obligation et pis, d’un chantage à la vie sociale. Le discours martial du Président pour imposer le passe sanitaire nous semble contre-productif car cela contribue à nourrir la défiance voire l’hostilité d’une partie de la population qui n’a plus confiance dans le pouvoir politique, surtout après les errements gouvernementaux en matière de gestion de la crise sanitaire (souvenons-nous de la crise des masques…).
La généralisation du passe sanitaire dans les lieux recevant du public et les transports constitue un précédent historique dont il faut bien mesurer les risques, comme l’a fait la Défenseure des droits qui rappelle que les atteintes portées aux droits et libertés doivent être temporaires et encadrées, strictement limitées et proportionnées à l’objectif poursuivi, à savoir la protection de la santé publique et la lutte contre la pandémie de Covid-19.
Promouvoir la vaccination implique de convaincre et d’en appeler à l’intelligence, à la solidarité, et à la responsabilité collective de nos concitoyens. Ce que l’UFAL a fait sans relâche depuis des mois, avec pédagogie2. A l’inverse l’infantilisation et la culpabilisation des gens ne font qu’attiser un grave sentiment de rejet, surtout lorsque le Président vise les soignants, dont on louait l’héroïsme il y a encore quelques mois, alors qu’ils sont depuis un an et demi en première ligne de la lutte contre l’épidémie, souvent dans des conditions de travail indignes. La France de 2021 est-elle un pays qui ne peut convaincre ses citoyens d’agir dans l’intérêt général en faisant appel à la raison ?
Nous estimons que la vaccination est une condition nécessaire pour endiguer l’épidémie de covid-19 mais ne saurait en être la condition suffisante. Car c’est tout le système de santé (lire UFAL INFO n°81) français qu’il faut refonder et plus que jamais nous devons doter l’hôpital de moyens financiers et d’un personnel suffisant pour faire face à cette crise actuelle et surtout aux suivantes. Or, partout en France le personnel hospitalier est en souffrance, démissionne en masse ou multiplie les arrêts de travail. Les services ont été désorganisés et aucun effort n’a été réalisé pour accroître les capacités d’admission dans les services d’urgence. Plus grave, les fermetures de lits et d’établissements hospitaliers ont repris. Quant aux mesures du Ségur de la santé, elles n’ont fait que répondre de manière marginale à un problème de fond : sur 32 pays de l’OCDE, la France occupe le 28ème place en termes de rémunération des infirmiers((et c’est ainsi que nous devons déplorer une fuite des soignants épuisés et sous-payés de l’hôpital public ainsi qu’une absence d’arrivée de jeunes générations)).
Mais nous devons également être conscient que ce genre de crises est amené à se renouveler à l’avenir du fait des politiques néolibérales à l’échelle planétaire qui menacent notre écosystème et accélèrent les risques de transmission à l’homme de nouveaux agents pathogènes. En outre, l’hyper-concentration humaine en milieu urbain couplée à l’hypermobilité des biens et des personnes démultiplie les risques de propagation épidémique et leur confèrent une possible dimension systémique (pandémique ?). Face à cette menace, notre pays doit plus que jamais investir massivement dans la santé et le soin, entendus au sens large, incluant l’humain et son environnement.
- personnes exerçant leurs activités dans les établissements et services de santé et médico‑sociaux et dans divers types de logements collectifs pour personnes âgées ou personnes handicapées, personnels de santé exerçant hors de ces établissements et services, professionnels employés à domicile pour des attributaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH), personnels des services d’incendie et de secours (SDIS), membres des associations agréées de sécurité civile ainsi que les personnes exerçant des activités de transport sanitaire [↩]
- Avec notamment les épisodes 1, 4 et 5 de notre émission de baladodiffusion Scientia [↩]