La majorité sénatoriale contre la solidarité
La mission d’information du Sénat sur la prise en charge de la dépendance et la création du 5e risque a présenté le 26 janvier ses conclusions : la commission propose, comme il fallait s’y attendre, de faire payer la dépendance par… les dépendants.
Deux propositions et une annexe : prélever sur la succession une somme qui serait (pour le moment) fixée au maximum à 20 000 € au-delà d’un abattement qui se situerait entre 150 000 et 200 000 €. Ce « gage sur succession » rapporterait entre 1 et 1,3 milliard € (environ 1/3 des allocataires ont un patrimoine qui dépasse 200 000 €) pour un coût total de l’APA qui est actuellement de 5 milliards d’euros. Ce gage serait selon la commission réparti vers les personnes qui en ont « le plus besoin ».
Si la personne âgée souhaite préserver son patrimoine, elle ne touchera plus que 50 % de l’APA.
En annexe et sans doute pour les 4 milliards restant, il faudra recourir à l’assurance privée :
• inclure la dépendance dans toutes les complémentaires maladie
• réorienter l’assurance vie et la retraite complémentaire vers la dépendance
• mettre en place une aide publique à la souscription d’une assurance pour les plus démunis.
Dans sa grande générosité, la commission propose de maintenir l’APA (ou sa moitié) pour les personnes les moins dépendantes encore à domicile afin d’y privilégier leur maintien. Par contre, elle préconise un mouvement inverse pour celles qui sont hébergées en institution.
Lire le communiqué de l’UFAL.
Gérard Larcher, Président du sénat estime que le PLFSS 2012 ne suffira pas à régler la question de la dépendance
Gérard Larcher a lâché le morceau. Les mauvais coups sur ce dossier seront portés en plusieurs temps : la résistance du mouvement social sur les retraites rend la droite néolibérale plus prudente. Il y aura donc les articles du PLFSS 2012 puis le Président du Sénat souhaite un débat de société.
On peut comprendre que la droite néolibérale traîne les pieds pour engager la privatisation totale du secteur telle que prônée par la députée UMP Rosso-Debord (voir l’article de l’UFAL) qui a fait un dossier pour le président de la République en 2010.
Gérard Larcher de la droite néolibérale prudente souhaite mobiliser tous les acteurs pour traiter ce dossier (CCAS, CIAS, réseaux associatifs, etc.).
Il a précisé que le Sénat travaillerait aussi sur la péréquation communale et intercommunale en 2012 et interdépartementale et interrégionale en 2013 et s’intéresserait à la péréquation nationale/locale.
Pour « rassurer les marchés », il a dit qu’il lui semblait « impossible » de « peser sur le coût du travail » et qu’il fallait chercher l’équité. Pas l’égalité, l’équité !!! Il est favorable à un alignement du taux de CSG des actifs et des retraités.
Pour « rassurer le MEDEF et l’UNOCAM », il a dit qu’il souhaitait un « socle assurantiel » sur une base volontaire. Comme cela, les inégalités sociales de santé vont augmenter de façon exponentielle. Mais les marchés, le MEDEF et l’UNOCAM peuvent dormir tranquilles.
La CNSA fait des propositions sur la dépendance : au secours !
La Caisse nationale de solidarité autonomie (CNSA) a remis un rapport au président de la République. Qui n’a pas encore remis un rapport à Nicolas Sarkozy ?
Il propose pour ce dossier une commission nationale du partenariat public-privé qui devra être consulté sur toutes les questions.
Ils ont eu le culot de proposer la parité entre les organismes d’assurance d’une part et les institutions publiques d’autre part (ministères, conseils généraux, caisses) alors que les « institutions publiques aujourd’hui financent la très grande majorité du budget du secteur.
Dépendance : ils ont pris position
– le PS pour le renforcement de la CNSA
Charlotte Brun, au nom du PS, a précisé qu’il n’était pas favorable à mettre le dossier dépendance-autonomie dans la Sécurité sociale, mais se prononce pour un renforcement de la CNSA. Elle a estimé qu’il fallait mobiliser 5 milliards d’euros pour ce dossier.
– l’AD-PA pour une augmentation de la CSG
L’association des directeurs des EPHAD se prononce pour une augmentation de la CSG pour le financement de la dépendance.
– le PCF
• Développer l’emploi, augmenter les salaires et une nouvelle politique économique et industrielle.
• Concernant l’Assurance maladie, asseoir les cotisations sociales sur les “salaires” avec une modulation visant l’accroissement du taux et de la masse des cotisations branchée sur le développement de l’emploi et des salaires. Une cotisation sociale calculée à la fois en fonction de la masse salariale versée par l’entreprise, du niveau de qualification et de la qualité de son emploi.
• Concernant les personnes en situation de handicap, prélever une taxe à la source pour les employeurs qui ne respectent pas la loi, prenant la forme d’une majoration de cotisations sociales. La loi sur l’emploi des personnes handicapées est mal appliquée et insuffisante.
• Affecter aussi à la perte d’autonomie une partie de la contribution supplémentaire que nous voulons créer sur les revenus financiers des entreprises, des banques et assurances ainsi que sur les ménages les plus riches. Cette contribution aurait permis de dégager sur les profits 2009, 39,9 milliards pour l’assurance maladie, 25,3 pour la retraite et 16,4 pour la famille.
• Assurer par ailleurs un financement public de la prise en charge de la perte d’autonomie au moyen d’une dotation de compensation de l’Etat pour les départements indexée sur leur dépense annuelle réelle en la matière.
• Et plus fondamentalement une réforme de progrès et d’efficacité de la taxe professionnelle, ainsi qu’une véritable réforme de la fiscalité nationale et locale juste et progressive afin de ne pas faire peser indistinctement sur tous les ménages l’essentiel de l’effort contributif, réforme qui porte la suppression de la CSG. Cela passe par une progression dans l’immédiat d’impôts et taxes notamment sur les revenus financiers des plus hauts revenus.
– le GR 31
Le GR 31, qui représente les organisations représentatives des personnes âgées et handicapées au sein du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), a regretté que seul le cas des personnes handicapées vieillissantes soit abordé dans le débat sur la dépendance et pas l’ensemble des personnes handicapées, selon un communiqué de la caisse diffusé lundi.
Une députée UMP propose de retirer aux départements leurs compétences sur le secteur de la dépendance
Comme l’a dit Denis Kessler dans son texte paru dans la revue Challenges le 4 octobre 2007, il y a une logique cachée dans l’ensemble du patchwork de mesures et des discours du gouvernement et de ses alliés. Des propositions sont faites et si cela marche, on les intègre dans une loi.
Ainsi, le député UMP Laurent Hénart (Meurthe-et-Moselle) a proposé de retirer aux conseils généraux leur compétence en matière de gestion de la dépendance. C’est un ami de Mme Rosso-Debord qui avait proposé la privatisation totale du secteur de la dépendance.
Le raisonnement de l’honorable député est le suivant :
– les conseils généraux disent qu’ils ont du mal à financer l’allocation personnalisée d’autonomie (APA),
– alors ils ne peuvent plus gérer le secteur de la dépendance et il faudra dire « Ce qu’ils ont fait, c’était bien (…). Leur temps est passé, il faut passer à d’autres opérateurs”,
– on ne peut pas augmenter le taux de la CSG « car on taxe déjà trop le travail »,
– il faut donc « ouvrir » le dispositif aux assurances et aux banques sans que cela soit obligatoire
Et personne ne lui pose la question de l’accroissement exponentiel des inégalités sociales en matière de dépendance généré par ce type de proposition ?