L’égalité pour vivre libre
Un peu comme avec la laïcité, dont la définition varie en fonction de celle ou celui qui la prononce, on a dit tout et n’importe quoi à propos de l’égalité. Et de quelle égalité s’agit-il d’ailleurs ? Quid de l’égalité de traitement des salaires, de l’égalité des droits femmes-hommes, de l’égalité d’accès aux services publics de l’énergie ou encore de la citoyenneté ? Mixité, parité, égalité quand tu nous tiens… Et n’oublions pas la biologie : que nous raconte-t-elle de nous-mêmes ?
Une chose est certaine : sans égalité, point de liberté ! Et encore moins de laïcité.
52 pages, 8 contributeurs vous pouvez vous le procurer dans la boutique en ligne de l’UFAL en version papier ou numérique.
Christian Gaudray, président de l’Ufal, ouvre le dossier en expliquant pourquoi l’association combat-elle pour l’égalité ? Parce que « nous sommes républicains, nous sommes attachés à l’égalité, condition de la liberté, écrit-il. » Un combat difficile, semé d’embuches, de pièges et chausse-trapes dont il dévoile les enjeux.
Gilles Raveaud, maître de conférence en économie à l’Institut d’Études Européennes de Paris 8, revient sur la notion de protection, de solidarité. L’idée est de battre en brèche des idées reçues à propos de notre Sécu qui serait soit trop forte (et un frein à l’économie libérale) ou trop faible (et pas assez performante pour soutenir les plus vulnérables). Or, comme il le souligne : « La solidarité, c’est efficace ! »
Olivier Nobile spécialiste de l’histoire de la Sécu, entre autres, et auteur de la brochure éditée par l’Ufal : Revenu d’existence, véritable arme néo-libérale de destruction du salariat nous éclaire sur un sujet polémique qui fait toujours débat : la cotisation sur la valeur ajoutée. Une fausse bonne idée d’après lui.
David Geri, membre de l’Ufal de Paris, analyse la question de la souveraineté énergétique de la France et de l’avenir du service public de l’énergie qui est selon lui, pris dans une concurrence ni libre et complètement faussée. Il revient sur les calamiteuses politiques publiques menées ces dernières années et nous fait vivre de l’intérieur les actions des syndicats et agents pour les 75 ans d’EDF.
Charles Arambourou, nous éclaire sous l’angle du droit, « Pas d’égalité en droit sans laïcité », en rappelant les articles fondateurs de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et assène : « la République refuse de prendre en compte TOUTES les appartenances, elle a choisi de n’en reconnaitre AUCUNE. »
Patrick Gaudray, généticien et ancien directeur de recherche au CNRS aborde l’égalité sous le prisme du concept biologique et ne se prive pas de déclarer : « Comment ne pas voir que l’idée mêle de race biologique a été inventée pour soutenir le racisme. » L’égalité est-elle biologique ? Réponse page 36.
Journaliste, Dominique Papon, brosse le portrait et le parcours d’un personnage injustement oublié de l’Histoire et qui, pourtant, a été le concepteur du « socialisme » et fit entrer celui de « solidarité » dans le vocabulaire politique. Promoteur et inlassable partisan de l’égalité des droits, Pierre Leroux, méritait de retourner dans la lumière.
« Lumières » il en est question avec Charles Coutel, philosophe et spécialiste de cette période qui se lance dans l’exercice complexe d’expliquer « la relation homme/femme dans l’exercice de la citoyenneté … » en appelant Condorcet, pour qui, « les hommes et les femmes sont frères et sœurs, égaux en humanité et en rationalité. »
Ufal INFO 85 vous présente aussi les nombreuses actions du dernier trimestre des Ufal locales dans son encart central détachable : CARNETS D’UFAL
Deux formats sont disponibles :
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Le n° 84 avec un dossier spécial « Les enjeux du made in France »est téléchargeable ici
Tous les anciens numéros sont également consultables gratuitement :archives du journal
Ufal Info vous donne rendez-vous à la rentrée pour un dossier consacré au logement.
Bel été à toutes et à tous.
Édito de Nicolas Pomiès, rédacteur en chef
L’égalité pour vivre libre
L’idée d’égalité n’est pas une affaire nouvelle mais elle est bien mise à mal aujourd’hui. En 1675, un certain François Poullain de la Barre dissertait sur « l’égalité des deux sexes où l’on voit l’importance de défaire les préjugés ». L’égalité fut un leitmotiv de la rupture intellectuelle des Lumières comme le remarque Paul Hazard dans son œuvre magistrale La crise de la conscience européenne : « Quel contraste ! Quel brusque passage ! La hiérarchie, la discipline, l’ordre que l’autorité se charge d’assurer, les dogmes qui règlent fermement la vie : voilà ce qu’aimaient les hommes du dix-septième siècle. Les contraintes, l’autorité, les dogmes, voilà ce que détestent les hommes du dix-huitième siècle, leurs successeurs immédiats. Les premiers sont chrétiens, et les autres antichrétiens ; les premiers croient au droit divin, et les autres au droit naturel ; les premiers vivent à l’aise dans une société qui se divise en classes inégales, les seconds ne rêvent qu’égalité. » C’est bien la volonté d’égalité lancée au Club Breton qui aboutit à l’abolition des privilèges du 4 août 1789 puis à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. L’égalité est donc intrinsèque à la République. N’est-ce pas Condorcet qui explique qu’« Il ne peut y avoir ni vraie liberté ni justice dans une société si l’égalité n’est pas réelle » ?La Révolution puis les différentes républiques tentèrent d’instaurer d’égalité. Pourtant comme le constatait déjà Pierre Leroux en 1848 « La loi actuelle de la production est telle, qu’un certain nombre de capitalistes actifs jouissent d’un moyen assuré d’attirer à eux toute la fortune publique ; d’où résulte en même temps la baisse continuelle des salaires pour la multitude des travailleurs. »
« Non, non, rien n’a changé » comme le disait la chanson des Poppys.
L’Observatoire des inégalités rapporte pour 2021 que les 10 % du haut de l’échelle des revenus touchent en moyenne 7,1 fois ce que touchent les 10 % du bas, après impôts et prestations sociales. Chaque mois, ils gagnent en moyenne 4 375 euros de plus que les 10 % les plus modestes, soit l’équivalent de 3,5 Smic en plus. À eux seuls, les 10 % les plus fortunés possèdent 46,4 % de l’ensemble du patrimoine des ménages. Le patrimoine médian des ouvriers non qualifiés (la moitié possède moins, l’autre moitié plus) est de 12 300 euros, endettement déduit. Chez les cadres supérieurs retraités, il est de 397 000 euros, soit 32 fois plus. Des fortunes immenses s’accumulent au sein d’une poignée de familles : celle de Bernard Arnault, patron de LVMH, possède, par exemple, un patrimoine équivalent à la valeur de l’ensemble des logements de Toulouse. Pour la même période, le ministère de l’Éducation nationale indique qu’à l’université, les enfants de cadres supérieurs sont trois fois plus nombreux que les enfants d’ouvriers. Si l’on mesure l’écart de salaire total tous temps de travail confondus : les femmes touchent 28,5 % de moins que les hommes. Nombreuses sont les données qui vérifient la prévision de Thomas Piketty d’un nouvel âge de fer et d’oppression comme le fut le XVIIe siècle du premier capitalisme naissant, sous contraintes de ressources finies et de changement climatique.
Dans le capitalisme de 2021, la masse des croyants aux dogmes néolibéraux pour riches, dans une nouvelle forme de parousie, attend que le capital concentré au sommet de la pyramide sociale redescende à coup de morale ou de petites taxes sur les dividendes. Ils sont prêts à tout pour saluer cette bonne nouvelle : devenir les pires salauds dans le travail mais grands champions de la compétition sociale, laisser des cours des miracles s’installer, se réjouir du suicide des paysans, continuer à baisser les salaires socialisés en tuant les cotisations sociales ou en baissant les retraites grâce aux stratagèmes des points et autres preuves de déshumanisation qui ne les gênent pas puisque qu’ils ont l’idéologie du care pour faire le bien. Ils envisagent même, par charité, d’octroyer un « Revenu d’existence » aux inutiles, comme ils appellent les pauvres.
Vers de nouvelles Lumières… ou de nouvelles ténèbres, tel est donc le choix de société. Nous humanistes, militants de la cause républicaine dotée de raison avons choisi : l’égalité est notre boussole.
Nicolas Pomiès