SOMMAIRE
05. Édito. Contre les dénis démocratiques, pour une démocratie radicale
Par Nicolas Pomiès, rédacteur en chef (texte in extenso plus bas)
06. COSMISME – Guerre en Ukraine, une foi profonde ?
« Ce qui est qualifié simplement d’« opération militaire spéciale » par la Russie est justifié par les autorités russes d’opération de « dénazification » de l’Ukraine et de « libération » du peuple ukrainien d’un gouvernement réputé illégitime. L’agence de presse russe RIA-Novosti, dévoilait, le 3 mars, le plan d’action « pour une période de 25 ans » rédigé par Timofei Sergeitsev, un « philosophe » associé à l’Université d’État de Moscou. » Par Nicolas Pomiès.
10. ORTHODOXIE – Russie-Ukraine : la religion dans la guerre ?
La religion joue un rôle secondaire, mais non négligeable, dans la guerre d’invasion déclenchée par Vladimir Poutine. Des travaux universitaires donnent un panorama de cette alliance entre religion et nationalisme. Des éléments de compréhension d’une guerre fratricide en plein cœur de l’Europe.
Par Charles Conte, chargé de mission « laïcité » à la Ligue de l’Enseignement.
DOSSIER Démocratie : il reste la démocratie sanitaire
12. DROITS ET DEVOIRS – Vers une démocratie sanitaire participative ?
Propos sur les effets de quelques avancées du droit en faveur d’une meilleure prise en considération des patients et usagers du système de santé.
Par Pierre Zémor, conseiller d’État honoraire, président d’honneur fondateur de Communication publique, ancien président de la CNC (concertation logement), de la Commission Nationale du Débat Public (et de la mission DUCSAI), ancien conseiller de Michel Rocard, chargé de sa communication de 1974 à 1988, ancien élu local et régional, est membre de la commission des sondages et présidait jusqu’à fin 2015 la Commission Nationale d’Agrément des associations représentant les usagers du système de santé publique.
23. ENTRETIEN – Loi Kouchner, et après ?
Où en sont les apports de la loi Kouchner pour les patients des établissements
de santé ? 20 ans après, c’est l’occasion de faire le constat des avancées et du chemin qu’il reste à accomplir pour, enfin, trouver la démocratie en santé. Christian Saout, est membre du Collège de la Haute Autorité de Santé (HAS). Il préside la Commission Sociale et Médico-sociale ainsi que le Conseil pour l’engagement en santé des usagers. Son parcours militant a commencé à AIDES, de 1998 à 2007, puis il s’est investi dans le Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS), regroupant 40 associations représentant les personnes malades, handicapées, les personnes âgées et retraitées ainsi que leurs familles, devenu France Assos Santé.
Propos recueillis par Françoise Lipchitz, présidente de l’Ufal de Dordogne et déléguée nationale de l’Ufal auprès de France Assos Santé.
27. LOBBY – Attaque contre les Comités de protection des personnes, un cran d’arrêt à la démocratie sanitaire
Depuis la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique qui a conduit en 2006 à la mise en place des Comités de Protection des Personnes (CPP), aucun projet de recherche clinique ne peut démarrer sans l’avis favorable d’un CPP. La loi impose que les membres d’un CPP soient bénévoles afin de garantir leur indépendance. La loi prévoit que les comités de protection des personnes exercent leur mission en toute indépendance (art. L1123-1 du code de santé publique). Cette indépendance de tout groupe de pression et la multidisciplinarité sont la force des CPP et garantissent l’objectivité, l’impartialité et la pertinence de leurs décisions.
Par Francis Vasseur, vice-président du CPP Nord Ouest IV
34. CARE – L’épreuve de la sollicitude dans l’éthique médicale
Dans le cadre médical, le souci de prendre soin (care) est précédé par la nécessité
de soigner (cure). La proximité avec la souffrance force le praticien de la santé à se questionner sans cesse sur lui-même et à se demander ce que ressent le patient tout en sachant bien qu’il ne doit ni ne peut se « mettre à sa place » (chaque patient est un cas particulier). Il doit faire preuve de sollicitude mais il saura limiter par avance son intervention pour faire cesser au plus vite la dépendance du malade.
Par Charles Coutel, philosophe, spécialiste des Lumières
38. RECULADE – Un quinquennat perdu pour la laïcité
Sur la laïcité, on peut dire que le président Emmanuel Macron a tenu les promesses du candidat. C’est justement là le problème. Un examen plus rigoureux du programme aurait sans doute permis aux républicains qui ont voté Macron en croyant en la « France nouvelle » d’éviter contorsions et/ou déconvenues par la suite. Car sur le fond, le président sortant reste étranger à la laïcité. Quatre focus sur le quinquennat passé suffisent à le rappeler.
Par Charles Arambourou, ancien haut magistrat
44. POSITION – Amour et reprise de vie maritale : l’Ufal en audition au Sénat
Dans le cadre de ses travaux sur la proposition de loi visant à maintenir le versement de l’allocation de soutien familial en cas de nouvelle relation amoureuse (le terme est mal choisi : il ne s’agit pas de légiférer sur les relations amoureuses qui relèvent de la sphère intime mais sur le maintien d’une prestation sociale liée à l’isolement dans le cadre d’une reprise de vie maritale ou de couple) du parent bénéficiaire, la rapporteure Michelle Meunier, au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, souhaitait connaître l’appréciation de l’Ufal sur le texte.
Par Olivier Nobile, responsable de la commission « santé » à l’Ufal
ENCART CENTRAL DÉTACHABLE : Université Populaire Laïque 2022
Ufal INFO n°88 – Dossier : Démocratie : il reste la démocratie sanitaire 52 pages, 9 contributeurs, que vous pouvez vous procurer dans la boutique en ligne de l’UFAL en version papier ou numérique (2 euros en téléchargement)
Le N°87 avec un dossier spécial « Logement, la vérité » est téléchargeable ici
Tous les anciens numéros sont également consultables gratuitement : archives du journal
Édito de Nicolas Pomiès, rédacteur en chef
Contre les dénis démocratiques, pour une démocratie radicale
« Ne jamais trop espérer, ne jamais désespérer, doit être notre devise. Souvenons-nous que la tristesse seule est féconde en grandes choses, et que le vrai moyen de relever notre pauvre pays, c’est de lui montrer l’abîme où il est ». Ernest Renan.
Notre ami Philippe Foussier rappelait, dans le premier numéro de notre revue Cause républicaine, qu’« entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2017, certains commentateurs ont expliqué que ce quinquennat était celui de la « dernière chance » avant que la menace de l’extrême droite ne finisse par s’imposer. Les résultats du premier tour de l’élection de 2022 sont donc venus corroborer ces propos… prophétiques.
Refusant ce qui n’est pas une fatalité, l’Ufal, association qui agit pour une promesse républicaine sociale, laïque et écologique, intervient clairement dans l’entre-deux-tours pour participer à maintenir le cadre républicain. Nous ne saurions mettre sur le même plan une politique qui fragilise les institutions républicaines et une politique qui attaque la République en son principe. Pourtant comme l’indiquait ce même article de Cause républicaine, c’est bien le « système » politique qui engendre son rejet par une part toujours croissante d’électeurs et « beaucoup se demandent à quoi sert la politique alors qu’il abdique de manière croissante devant d’autres pouvoirs : celui de la finance, celui de la technostructure, celui des forces religieuses, notamment intégristes, celui des médias, celui des minorités activistes… ». Si on additionne les bulletins de défiance ou de rejet du système de la dernière présidentielle, on arrive à 12 790 823 voix qui, avec les abstentions, produisent un total de 25 614 992 électeurs qui ne se reconnaissent plus dans l’offre politique dominante. E. Macron ne recueillait, quant à lui, que 9 783 058 voix. L’enquête « fractures françaises » 2021 d’IPSOS indiquait déjà que 91 % des Français étaient mécontents de la situation du pays tandis que 71 % estimaient que les hommes et femmes politiques n’agissent pas pour l’intérêt général. Enfin, 60 % ne pensaient pas que l’élection présidentielle pouvait être un levier pour changer les choses.
Ignorer ces conclusions d’enquête et ne pas prendre en compte ce résultat électoral signifierait reconduire les erreurs du précédent quinquennat. Vouloir incarner une présidence jupitérienne tout en se rabaissant à la politique spectacle, – continuer le « en même temps » -, c’est dire la duplicité. Et faire la norme à coup d’ordonnances (350 pendant le quinquennat), sans débat parlementaire, gonflera assurément la défiance et le rejet de l’actuelle république. Les Français n’accepteront plus d’être dupés et spoliés de leur souveraineté. La Constitution dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum » (art. 3). Elle pose le principe de la République comme étant le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » (art. 2) et rappelle, par ailleurs, que la souveraineté est une et indivisible, puisque « aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice » (art. 3). Depuis ses origines, la Ve République aura représenté une machine à anesthésier la démocratie citoyenne, au profit de mécanismes plébiscitaires destinés à faire désigner un monarque présidentiel par le corps électoral, en vertu de la théorie selon laquelle il revenait à ledit monarque d’instaurer un dialogue direct avec le peuple. Qu’a fait le « système » de la souveraineté du peuple ? Plus grand-chose en fin de compte. Ainsi la représentation nationale s’est-elle vue, dès la Constitution de 1958, limiter la capacité d’initiative de dépenses de l’État. La LOLF 2 (loi organique des lois de finances) a introduit un modèle managérial, inspiré du monde de l’entreprise privée de gestion par la performance, destiné à réduire toujours plus l’action et la dépense publique en délogeant ces dernières du champ politique. Les groupes politiques au parlement n’ont plus que 4 minutes pour interpeller le gouvernement et ne peuvent présenter une véritable alternative aux priorités définies par le gouvernement ! Mais tout cela est conforme et corseté par le « Pacte de Stabilité Européen ». Dans ce cadre, il n’existe plus de politique économique et sociale alternative à l’ordolibéralisme imposé par les traités européens. Par son célébrissime discours contre le traité de Maastricht, Philippe Seguin nous avait prévenu que « L’Europe qu’on nous propose n’est ni libre, ni juste, ni efficace. Elle enterre la conception de la souveraineté nationale et les grands principes issus de la Révolution : 1992 est littéralement l’anti 1789 ». Le consensus européen a donc transformé nos parlementaires en contrôleurs de gestion et nos dirigeants en proconsul romains. Il nous faut rétablir la démocratie et remettre le système politico-parlementaire, au cœur de l’étaticité. Cela passe par l’investissement dans les « niches » démocratiques. Partout où se trouve une possibilité d’intervention populaire, la place doit être investie. La démocratie sanitaire permet la participation citoyenne aux politiques de santé, prenons notre place ! C’est en bâtissant un mouvement social d’intervention démocratique radical et multiple puissant que la représentation et la direction politique reprendront le chemin de l’intérêt général.